Les rêveries du retraité solitaire

Nos voisins sont en train de préparer dans leur immense melting-pot un ragoût infect qui finira par les empoisonner. Les ingrédients - la peur, la rage et la haine - étaient déjà là. Il aura simplement fallu que quelqu’un vienne racler le fond de la marmite pour les faire remonter à la surface. Et l’on ne cesse d’ajouter à tous les jours un peu plus des mêmes ingrédients pour donner plus de consistance au ragoût.

Mais ces ingrédients, où peut-on les trouver ? Ce sont, je crois, des émotions négatives qui sont présentes dans le cœur de chaque être humain. Il suffit d’utiliser les bonnes vieilles techniques depuis longtemps éprouvées pour les attiser : le mensonge, la propagande et la terreur.

La peur, c’est avant tout la peur de l’autre : l’autre qu’on ne connaît pas et qu’on ne veut pas vraiment connaître. Quand on vit depuis des siècles dans une société dans laquelle on est toujours le gagnant sans nécessairement avoir l’intelligence et la talent, on a peur de l’autre qui est de plus en plus nombreux, qui veut prendre sa place, et avec qui il faudra dorénavant compétitionner à armes égales.

La peur, c’est aussi la terreur : c’est la violence des groupes armés et les menaces à peine voilées des politiciens qui les contrôlent ; c'est aussi le terrorisme des loups solitaires radicalisés par tout ce qu'on leur a raconté.

La rage, c’est ce qui découle de la peur. On éprouve de la rage envers tout ce qui vient menacer et bouleverser notre univers que l’on croyait éternel. Et la rage, elle est savamment alimentée et amplifiée par le mensonge et la propagande. C’est une vieille technique qui a fait ses preuves.

La haine, c’est quelque chose d’impalpable qui vient de la peur et de la rage. La haine, c’est quelque chose qui s’infiltre partout comme un poison que l’on ne peut ni voir ni sentir. On trouve d’autres noms pour la qualifier parce qu’on ne veut pas la regarder en face. On se dit que ce qui nous anime, c’est le maintien de l’ordre établi, de la justice et des traditions. On se dit que l’on ne déteste pas l’autre, mais que l’on veut tout simplement préserver son identité et ses intérêts. On se dit qu’au fond, on est de bons chrétiens, et que ce sont les autres qui sont les gros méchants.

Ce ragoût infect qui mijote chez nos voisins, il déborde quelquefois dans notre plus petite marmite quand le feu est trop chaud et que le bouillon se met à bouillir trop fort. Le coeur humain est le même partout.