Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Flagrant délit d'humanité

Je ne sais pas si vous avez vu le film La Gloire de mon père. Le film est une adaptation cinématographique très bien réussie d’un roman autobiographique de Marcel Pagnol dans lequel il raconte ses souvenirs d’enfance. Ce roman est suivi d’un autre intitulé Le Château de ma mère qui a lui aussi été adapté au cinéma avec autant de succès.

 

Ça se situe au tout début du siècle dernier dans le Sud de la France. Dans une scène, voyant un de ses collègues se faire photographier avec le poisson de taille exceptionnelle qu'il avait pêché, le père de Marcel se tourne vers sa femme et ses enfants, et sur un ton ironique et quelque peu dédaigneux, avec l’accent chantant du Midi, leur dit : « Se faire photographier avec un poisson, quel manque de dignité ! De tous les vices, la vanité est décidément le plus ridicule ! »

 

À la fin du film, il y a cette autre scène où l'on voit le père de Marcel se faire prendre en photo avec les deux bartavelles qu’il avait tuées d'un seul coup de fusil...par un curé...lui qui n'aimait pas les curés. Le titre du livre et du film est un clin d’œil à cet épisode de chasse à la bartavelle dans les collines de Provence, près du village de La Treille. où la famille venait passer l’été.

 

Au lieu d’en vouloir à son père pour cette contradiction et ce jugement à deux poids deux mesures, l’auteur a cette admirable réflexion : « Je venais de surprendre mon père en flagrant délit d’humanité. Je ne l’aimais qu’encore plus. »

 

 

 

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Pourquoi je vous ai parlé de ce film ? Parce que je voulais faire un rapprochement avec la dopamine et les réseaux sociaux dont j’ai déjà parlé dans un autre article. Si vous n’avez pas lu l’article ou si vous n’avez jamais entendu parler de la relation entre la dopamine et les réseaux sociaux, ça dit à peu près ceci. Les créateurs de réseaux sociaux utilisent un système de récompenses comme les J’aime et la possibilité de laisser des commentaires pour créer une dépendance chez leurs utilisateurs. Quand on reçoit une de ces récompenses, ça provoque une poussée de dopamine, l’hormone du bonheur, qui nous motive à afficher d’autre photos ou à écrire d’autres articles pour recevoir plus de dopamine et continuer à être heureux ou le devenir encore plus.   

 

Devant cela, nous pourrions avoir une attitude de mépris vis-à-vis de ceux et celles qui se font prendre par un tel stratagème et nous dire, comme le père de Pagnol au début du film, qu’à nous, ça ne pourrait jamais arriver. Mais nous oublions quelquefois que nous sommes tous des humains et que nous avons tous ce besoin d’être reconnus et appréciés.

 

Je crois qu’au-delà des calculs et des intentions de leurs créateurs, les réseaux sociaux ont créé pour plusieurs d'entre nous quelque chose de beaucoup plus complexe qu’une simple et éphémère sécrétion de dopamine. Il y a, bien sûr, ce bonheur passager de savoir que quelqu’un a apprécié ce que nous avons mis en ligne mais ça ne s’arrête pas là. Il y a beaucoup plus. C'est souvent la seule possibilité que nous avons de communiquer et de nous exprimer...et pas seulement en période de pandémie. Il y a sur les réseaux sociaux des échanges qui créent des liens qui font naître des amitiés bien réelles.

 

Tout ceci pour vous dire qu’il ne faut jamais avoir peur d’être pris en flagrant délit d’humanité. Ça prouve tout simplement que nous sommes des humains qui partageons avec les autres humains cet insatiable besoin de communiquer et d'être réconfortés, ce besoin de nous sentir un peu moins seul dans cet univers démesuré et compliqué. Et si nous avons en prime une petite poussée de dopamine, pourquoi pas ?



13/10/2021
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