Sexualité : entre l'idéal et les interdits
Le premier est un garçon de douze ans d’une région rurale du Manitoba qui malgré son jeune âge se considère comme un dépendant sexuel en voie de rétablissement. Sa dépendance a commencé avec la pornographie sur Internet quand il avait neuf ans. Ses parents étaient avec lui pour le soutenir pendant l’entrevue. Le deuxième est un jeune Américain du Texas âgé de seize ans. Il dit que pour lui aussi sa dépendance a commencé avec la pornographie en ligne. Il ajoute qu’après avoir complété ce que les Américains appellent le middle school[1], il avait déjà été exposé à toutes les formes imaginables de sexualité : « “By the time I was out of middle school, I had seen just about anything you can imagine, the most hard-core shocking things you can imagine. » Il a ajouté que c’était la même chose pour la majorité de ses camarades de classe. À l’âge de 16 ans, quand il a essayé d’avoir une relation sexuelle avec sa petite amie, il n’a pas pu. Voici comment il explique ça : « When you spend years wiring yourself to become aroused a certain way, when you become intimate with a real intimate person, a real partner in your life, your brain may not respond the same way. » Ces deux cas, qui illustrent les problèmes engendrés par l’accès illimité à toutes les formes de sexualité que nous offre la technologie moderne, ont été présentés il y a quelques années dans le cadre d'un reportage de l’émission W5 sur le réseau CTV.
À l’opposé, quelques générations plus tôt, plusieurs personnes, surtout des femmes, arrivaient dans le mariage sans savoir comment on faisait des enfants. Je me souviens que ma mère m’a raconté que ma grand-mère lui avait dit un peu avant son mariage que la sexualité n'avait pour unique fonction que de faire des enfants, et que c’était un péché d’éprouver du plaisir pendant l’acte sexuel. Elle a ajouté que c’était mieux de garder les yeux fermés.
Un jeune militant islamiste extrémiste de dix-neuf ans, venu d’Europe pour faire le djihad en Syrie, a capturé vers huit heures ce matin une jeune fille de 14 ans, membre de la minorité yésidi. Il la marie vers dix heures selon les préceptes de sa religion. À midi, il a fini de la violer. À treize heures, il la répudie (toujours selon les préceptes de sa religion). À quatorze heures, il lui tranche la gorge pour la punir d’avoir été violée et parce qu’elle était une infidèle. Ce soir, il va très bien dormir parce que son cœur est pur et qu’il n’a enfreint aucune des règles prescrites par la vision volontairement déformée qu'il a de son Dieu et de sa religion.
Voici un vieux prêtre accusé de pédophilie. Quand il a choisi de devenir prêtre dans les années 1960, il savait qu’il était attiré par les jeunes garçons, mais il a cru sincèrement et de tout son cœur que Dieu allait le guérir ou au moins l’aider à résister à la tentation. Il a mis toute sa confiance dans sa foi et dans la prière, et comme plusieurs, il a été déçu.
Tiraillée entre l’idéal et les interdits, la sexualité a toujours été quelque chose de pas facile à vivre. Personnellement, je crois qu’il devrait y avoir des interdits dans le domaine de la sexualité comme dans tous les autres domaines, mais je crois également que ces interdits devraient être inspirés par l’amour et la compassion au lieu être dictés par des règles et des normes souvent abstraites et désincarnées qui, d’une part, nous font toujours nous sentir coupable quoi que nous fassions et qui, d’autre part, quand on sait les contourner, nous permettent de faire à peu près n’importe quoi sans éprouver la moindre culpabilité. Ce que notre cœur devrait nous interdire, c’est de causer de la peine et de la souffrance, de ne penser qu’à notre propre plaisir sans tenir compte de l’autre, de marchander et manipuler la sexualité pour en tirer des bénéfices, de prétendre éprouver de l’amour pour quelqu'un ou de demander à quelqu’un de nous prouver son amour en utilisant le sexe. Pour moi, ces quelques règles englobent à peu près tout. Je ne fais aucune distinction entre les relations hétérosexuelles et homosexuelles. Les mêmes règles s’appliquent. Ça me fait chier quand je vois des moralisateurs religieux, drapés dans le manteau de leur vertu, et qui vivent leur sexualité de façon égoïste et hypocrite, condamner des homosexuels et des lesbiennes qui vivent leur sexualité dans le respect et l’amour.
Pour ce qui est de l’idéal, encore là, dans le domaine de la sexualité comme dans d’autres, c’est un objectif qu’on se fixe mais qu’on n’arrive pas toujours à atteindre. Pour moi, l’idéal est quand la sexualité devient l’expression parfaite de l’amour et qu’elle unit au même moment deux âmes et deux corps. La performance n’a pas besoin d’être au rendez-vous. Ça arrive en général quand on est plus vieux alors qu’on croit avoir plus de sagesse mais qu’en réalité, on a tout simplement moins d’hormones.
Dans une vie normale, il faut bien l’avouer, la sexualité n’est pas toujours à la hauteur de cet idéal mais joue quand même un rôle important. Prenons par exemple le cas de deux personnes qui se rencontrent au hasard de la vie, au cours d’une croisière ou un voyage d’affaires. Elles sont sans attaches et ont toutes les deux vécu des expériences malheureuses dans leurs relations amoureuses. Elles se sentent rejetées et doutent de leur virilité ou de leur féminité. Elles décident d’avoir une relation strictement sexuelle qui leur apportera un peu de réconfort et leur redonnera confiance en la vie et en elles-mêmes. Même si ça ne correspond pas à l’idéal que chacun se faisait de la sexualité, ça reste quand même quelque chose de positif.
Pour finir, je m’en voudrais de ne pas avoir une pensée pour les toutes les femmes que j’ai connues au sens biblique du terme et qui, comme moi, tiraillées entre l’idéal et les interdits, cherchaient tout simplement un peu de réconfort et de bonheur et peut-être...l’amour avec un grand A.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 6 autres membres