Les rêveries du retraité solitaire

J’ai beaucoup ri dans ma vie et je n’ai pas fini.

J’ai ri de tout et de rien, juste pour le plaisir de rire.

J’ai même ri quand il n’aurait pas fallu rire.

J’ai ri aux larmes et à en avoir mal au ventre.

Et comme tout le monde, j’ai quelquefois ri jaune.

Et j'ai aussi ri, comme on dit, dans ma barbe.

Et rendu à mon âge, je ris encore, peut-être même encore plus qu'avant. Quand je suis seul en train d’arroser les fleurs ou de pagayer autour de l’île, j’invente des personnages et je les fais parler dans ma tête. Et ils me font rire parce que je ne sais jamais ce qu’ils vont dire.

Je ris de mes chats parce qu’ils font toujours des choses drôles.

Je ne me souviens plus très bien des personnes avec qui je n’ai jamais ri, mais le souvenir des toutes celles avec qui j’ai ri est encore présent quelque part dans ma mémoire. Il suffit de gratter un peu.

Je me souviens d’Anne qui disait que le rire est une thérapie et qui se faisat un devoir de mettre ça en pratique. Dans l’ascenseur de la Banque du Canada où nous travaillions tous les deux, et qui était toujours rempli de gens très sérieux, elle me regardait en souriant et se mettait à rire de plus en plus fort. Après quelques secondes, tout le monde riait sans savoir pourquoi.

J’ai beaucoup ri avec mon amie Suzanne, au travail et en dansant le rock’n roll au son sous-sol de sa maison. On a ri même quand je l'ai fait tourner un peu trop vite et que je n'ai pas eu le temps de la rattraper.

J’ai ri avec mon ami Gérald quand nous étions saouls, couchés dans l’herbe à regarder les étoiles, après avoir passé une partie de la nuit à boire et à danser dans un club latino.

J’ai aussi ri avec mon frère et mes sœurs. Avec ma sœur Michèle, nous écoutions un album 33 tours d'un gars qui se faisait appeler Lucien Beatle Stephano qui était rempli de blagues pas toujours très drôles ; et nous, on riait après chaque blague...même si on connaissait le disque par coeur.

J’ai ri avec mes parents et avec mes oncles et mes tantes, mes cousins et mes cousines.

Je sais que je vais rire quand je m’en vais boucaner avec André, lui une cigarette et moi un cigare.

Et je ris beaucoup avec Maria, du matin jusqu'au soir. On rit de nous-mêmes et un peu des autres mais jamais méchamment. On rit de tout ce qu'on voit et entend à la télé et autour de nous. Le rire une quelque chose qui nous rapproche et qui nous rend heureux.  

Je me dis que sans le rire la vie serait bien triste. Imaginez quelle seraient les relations que nous aurions avec les autres si le rire n'existait pas.

Martin Luther, cet homme austère et à l’air sérieux qui est à l’origine de la réforme protestante, a écrit que si on ne pouvait pas rire au paradis, il ne tenait pas à y aller. Je suis d’accord avec lui.