Les rêveries du retraité solitaire

Ce texte fait suite au dernier article que j'ai publié sur les changements climatiques.

Même si Richard avait un nom de famille français, il était anglophone. Je l’ai connu il y a une trentaine d’années. Il habitait dans le West End d’Ottawa et il prenait l’autobus pour venir faire du ski de fond dans le Parc de la Gatineau. Richard était trop écolo pour avoir une auto. Il aurait pourtant eu les moyens de s’acheter une Volvo. Il occupait un poste important au gouvernement fédéral. Je me souviens qu’il prenait des cours de français langue seconde. Quelquefois, il venait à vélo quand les routes n’étaient pas trop glacées. Pour Richard, l’écologie était comme une religion. Il y mettait toute son énergie et sa passion. Il aurait bien aimé aller faire du ski de fond dans les pays scandinaves, mais pour la même raison que sa décision de ne pas avoir d’auto, il ne prenait jamais l’avion. Richard n’achetait jamais de meubles ou de vêtements neufs et il recyclait tout.

Richard, c’était l’apôtre de l’écologie. Il était à l’écologie ce que Saint François d’Assise est au catholicisme : le summum de l’abnégation et de la vertu. Et moi, je me suis demandé ce qui arriverait si tout le monde au Canada devenait comme Richard. Et je me suis dit que ce serait catastrophique…ou comme disent les Français, bordélique. Dans le système dans lequel nous vivons, tout est basé sur la production et la consommation. Et si nous cessions tout d'un coup de produire et de consommer, ça produirait des faillites et du chômage, et notre PNB (produit national brut) diminuerait. Nous n’aurions plus les moyens de maintenir nos infrastructures, d’assurer les services dans les hôpitaux et les écoles, et de protéger les citoyens contre les malfaiteurs et les agressions de l’extérieur. On n’a qu’à regarder ce qui se passe dans les pays qui n’ont suffisamment d’argent pour se payer ces services.

Nous ne pouvons pas cesser de produire et de transporter les aliments que nous consommons, pas plus que nous pouvons cesser de chauffer nos maisons en hiver en attendant de trouver des façons plus écologiques de le faire. Et pour ce qui est du chauffage, on ne peut pas retourner en arrière et chauffer nos maisons au bois comme le faisaient nos ancêtres. Au bout de quelques générations, il ne resterait plus un seul arbre dans nos forêts, et pour ce qui est de la santé de la planète, la situation serait encore pire qu’elle ne l’est maintenant. Alors, que devrions-nous faire ?

Au niveau collectif, il faudrait que nos dirigeants se concertent et écoutent les scientifiques afin de mettre en œuvre les technologies, les mécanismes, les politiques et les réglementations nécessaires pour faire les changements qui s’imposent dans notre manière de vivre, de produire et de consommer. Je crois que ça va arriver quand le température en juillet avoisinera les 50 degrés Celsius dans l'ensemble des pays industrialisés.

Au niveau individuel, pour moi, ça devrait commencer par tenter de convaincre ceux et celles qui n’y croient pas, ou à qui on a fait croire que ça n'était pas le cas, que les changements climatiques sont causés par l’activité humaine comme s’évertuent à nous le dire les scientifiques depuis les années 1970. Et il a, bien sûr, toutes les façons simples et pas trop compliquées que nous avons de recycler et de protéger l’environnement.

Pour ce qui est de Richard, je ne sais pas ce qu’il est devenu. Je l’ai perdu de vue et je ne l’ai trouvé nulle part sur les réseaux sociaux…probablement parce qu'il estime que le fait d’être en ligne est une source de pollution comme avoir une voiture, prendre l'avion pour faire du tourisme ou acheter des meubles et des vêtement neufs.

La seule concession que faisait Richard était pour ses skis. C'étaient des ski très performants fabriqués avec des matériaux synthétiques. Et il avait, comme moi, toute une collection de farts de différentes densités et couleurs pour différents types de neige qui étaient fabriqués avec des produits pas toujours très écologiques. Il en appliquait régulièrement et généreusement sur ses skis pour les faire glisser plus vite sur la neige. Personne n'est parfait...