Quand ça déborde
Quand il y a un trop-plein de quelque chose dans quelque chose, ça finit toujours par déborder. Ça peut être une rivière qui sort de son lit quand la neige fond au printemps, et qu’il a plu pendant trop longtemps ; ça peut aussi être une tasse qu’on a trop remplie de café parce qu’on était distrait, et qu’on ne portait pas attention à ce qu’on faisait.
C’est la même chose pour nous : quand notre cœur et notre esprit sont constamment assaillis par un flot incessant d’émotions et de pensées, ça finit par déborder. Et quand ça déborde, ça fait des dégâts et ça cause des dommages...comme une rivière quand elle sort de son lit. L’expression m’a fait rire la première fois que je l’ai entendue lorsque j’étais enfant. J’essayais d’imaginer une rivière qui sortait de son lit en pyjama et en s’étirant.
Nous, les alcooliques, avons souvent des émotions et des pensées disproportionnées par rapport à ce que nous vivons. Des incidents, même très banals, à force de trop les analyser et les ressasser, peuvent faire naître en nous des émotions qu’on arrive difficilement à contrôler ; et l’on peut vivre une petite vie bien tranquille, et trouver le moyen de se casser la tête à penser à plein de choses qui n’arriveront probablement jamais.
Je n’ai pas bu une goutte d’alcool depuis bientôt trente ans, mais je peux vous dire une chose : on ne cesse pas d’être un alcoolique parce qu’on a cessé de boire. Nous sommes toujours assaillis par le même flot d’émotions et de pensées, mais au lieu de les engourdir et de les faire s’envoler dans les vapeurs de l’alcool, nous avons appris à les gérer autrement.
Je vois ça un peu comme les canaux en Hollande. Après des siècles à vivre dans un pays sans cesse inondés par les eaux de la mer, les gens ont commencé à construire des canaux qu’ils ont utilisés pour irriguer leurs terres et pour naviguer.
À défaut d’engourdir ses émotions trop fortes et ses trop nombreuses pensées en les noyant dans l’alcool, on devient plus créatif. On trouve des moyens d’utiliser son hypersensibilité et son imagination en creusant des canaux dans son cœur et dans son esprit. Ça évite les débordements, et ça finit par avoir un effet positif. C’est un peu pour ça que j’écris. Mais si j’avais le choix entre être alcoolique ou ne pas l’être, je choisirais de ne pas l’être : c’est moins angoissant et beaucoup moins fatigant.
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