Progrès et technologie
« Plus le niveau de la technique est élevé, plus les avantages que peuvent apporter des progrès nouveaux diminuent par rapport aux inconvénients. »
C’est la philosophe française Simone Weil qui a écrit ça. Simone Weil est née en 1909 et elle est décédée de la tuberculose en 1943. En faisant un peu de recherche en ligne, j’ai appris qu’en 1944, S.A. Waksman, un microbiologiste américain, avait découvert le premier antibiotique actif contre le bacille tuberculeux : la streptomycine. Est-ce à dire que si la technologie était arrivée un an plus tôt, Simone Weil ne serait pas morte à l’âge de 34 ans ? Je ne sais pas mais c’est bien possible.
Comment cette philosophe a-t-elle pu porter un tel jugement sur des progrès techniques qui auraient peut-être pu lui sauver la vie s’ils étaient arrivés un an plus tôt ? Il faut tout d’abord dire qu’il n’y a pas si longtemps, la médecine était considérée comme un art beaucoup plus qu’un ensemble de techniques. Quand Simone Weil parlait de techniques, elle faisait probablement référence aux moyens de transport et de communication qui sont devenus des armes redoutables pendant la guerre qui n’était finie au moment de son décès. Les avions et les bateaux qui servaient à voyager ont été transformés en bombardiers et en navires de guerre ; et la radio qui servait à divertir et à informer est devenue un instrument de désinformation et de propagande pour les nazis.
Comment réagirait Simone Weil si elle pouvait voir tous les progrès technologiques qui sont survenus après son décès : la bombe atomique, la télévision, la bombe nucléaire, les transplantations d’organes, les prothèses, les logiciels de traitements de texte, internet, l’intelligence artificielle, les navettes spatiales, les satellites, les GPS, les caméras de surveillance, l’enseignement à distance, Facebook, Twitter, Snapchat et les blogues qui nous permettent de nous exprimer et de communiquer avec d’autres à peu près n’importe où dans le monde, YouTube qui peut tout aussi bien nous apprendre à faire du pain qu’à parler espagnol ou chinois, etc. ?
Je crois que Simone Weil serait émerveillée par plusieurs choses mais que plusieurs autres viendraient confirmer sa théorie selon laquelle « plus le niveau de la technique est élevé, plus les avantages que peuvent apporter des progrès nouveaux diminuent par rapport aux inconvénients. »
Ce qui lui poserait le plus problème, je crois, c’est internet et le monde virtuel que cette technologie a créé. Elle se dirait :
- Comment peut-on avoir 1 200 amis sur Facebook et ne pas avoir un seul vrai ami dans la vraie vie ?
- Comment peut-on aussi facilement avoir accès à toutes les connaissances du monde et être aussi ignorants ?
- Comment peut-on aussi facilement devenir la proie de tant de séducteurs, manipulateurs, arnaqueurs et fraudeurs anonymes sans avoir à sortir de sa maison ?
- Comment des jeunes qui sont exposés à partir d’un jeune âge à un tel étalage de toutes les formes possibles de sexualité peuvent-ils avoir autant de difficulté à vivre normalement et tranquillement leur propre sexualité ?
- Comment des jeunes femmes, apôtres du nombrilisme et de la superficialité, qui n’ont aucune autre qualification que d’avoir un beau cul et de gros nichons, sont-elles devenues des modèles pour des millions d’adolescentes sur Snapchat, Twitter, YouTube et TIck Tock ?
- Comment des technologies qui auraient dû servir à unir et aider les gens à mieux se connaître et se comprendre sont-elles devenues des instruments d’intimidation et d’exploitation sexuelle ?
La philosophe se dirait que toute cette technologie est admirable, mais que pour qu’elle représente un véritable progrès pour l’humanité, il faudrait qu’elle aide les humains à progresser et non à régresser. Ce n’est pas la technologie qui est un problème, c’est la façon dont certains humains la transforment et l’utilisent. C’est probablement ce que penserait Simone Weil, et c’est aussi ce que je pense.
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