Les rêveries du retraité solitaire

Si le seul contact que nous avions avec la réalité se résumait à ce que l’on voit et entend à la télévision et sur les réseaux sociaux, nous pourrions croire que nous vivons dans un monde où la haine est omniprésente. Mais qu’en est-il de la haine dans nos vies de tous les jours ? Est-ce que la haine y occupe une place importante ?

Je ne veux pas parler de la haine qui naît inévitablement des échanges qu’ont les humains quand ils entrent en relation les uns avec les autres comme dans l’histoire de Caïn et Abel, mais plutôt de celle qui découle de conflits entre nos valeurs, nos idéologies, nos convictions religieuses et nos opinions politiques comme dans les guerres de religion, la guerre civile espagnole, la guerre de Sécession américaine, l’Holocauste, les guerres de Corée et du Vietnam, la guerre froide, les génocides du Rwanda et du Cambodge, les nouvelles guerres de religion et la division idéologique irréconciliable qui existe actuellement aux États-Unis et dans de nombreux autres pays. Derrière tous ces conflits, il y a des gens qui se détestent mais pas pour des raisons personnelles.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais au niveau personnel, je n’ai jamais ressenti le besoin de me réveiller au milieu de la nuit pour haïr qui que ce soit. Comme tout le monde, je suis entré en conflit avec des personnes pour qui j’ai eu du ressentiment pendant un certain temps mais pas vraiment de la haine. La dernière fois que j’ai eu un conflit avec quelqu’un, c’était avec un de mes voisins de chalet et je ne peux pas dire que je le déteste.

Les personnes pour qui nous éprouvons le plus de haine sont des personnes que nous n’avons jamais rencontrées et que nous ne rencontrerons probablement jamais. Nous les détestons parce qu’elles personnifient les comportements et les valeurs auxquels nous sommes le plus radicalement opposés. Il y a des choses horribles qui se passent un peu partout dans le monde et sur lesquelles je n’ai aucun contrôle, mais je dois pourtant vous avouer que je dépense beaucoup de temps et d’énergie à détester les personnes qui sont responsables de ces choses même en sachant qu’en bout de ligne ça ne donnera pas grand-chose.

Imaginez que vous rentrez à la maison après avoir assisté au service religieux de votre enfant qui a été victime d’une des nombreuses tueries qui se produisent chaque année dans les écoles américaines. Le téléphone sonne. Quelqu’un que vous ne connaissez pas et qui ne s’identifie pas vous accuse d’avoir simulé la mort de votre enfant pour justifier l’intervention du gouvernement pour contrôler l’accès aux armes à feu. Et dans les semaines, les mois et les années qui suivent, vous recevez jour et nuit des appels téléphoniques anonymes et vous êtes harcelé, non seulement en lgne et sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la rue et les endroits publics par des inconnus qui vous accusent de faire partie d’un complot ayant pour but de nuire aux intérêts des fabricants d’armes à feu. Et tout ça en plus de la souffrance d’avoir perdu votre enfant…

Celui qui a fabriqué de toute pièce cette histoire s’appelle Alex Jones. Il l’a fait pour des raisons politiques et idéologiques. C’est un animateur de tribune téléphonique de radio d’extrême-droite. Il a récemment été reconnu coupable d’avoir inventé ce complot que la presse a résumé de la façon suivante :

Pourquoi est-ce que je vous ai parlé d’Alex Jones ? Simplement pour vous dire que pour moi la haine que j’éprouve envers cet homme que je n’ai jamais rencontré et que je souhaite ne jamais rencontrer dépasse de loin tout le ressentiment que j’ai eu à l’égard des personnes avec qui je suis entré en contact au cours de ma vie et avec qui j’ai eu des conflits personnels et des désaccords.

Pour revenir aux nombreuses soit-disant informations que l’on trouve dans les médias qui ont uniquement pour but de nous radicaliser et de susciter en nous la haine, la méfiance et la division, je vous dirais d’abord qu’il faudrait se méfier de tout ce qui est conçu pour provoquer une réaction plutôt qu’une réflexion et qu'il faudrait ensuite se demander à qui tout cela profite.

Chaque jour, dans les petites vies que nous vivons au quotidien, des millions de personnes qui ne partagent pas les mêmes opinions et qui ne voient pas les choses de la même façon se côtoient et entrent en contact les unes avec les autres sans qu’il y a ait de haine et de tension. Je ne crois pas que la haine apparaîtrait aussi spontanément dans nos vies s’il n’y avait pas ces jardiniers du dable pour la semer et la cultiver dans le coeur des humains.

Pour conclure, je vous dirais que j’éprouve une haine profonde pour tous ceux et celles qui comme Alex Jones se sont donnés pour mission de susciter et de propager la haine.