Pensez méditez pensez
Il y a chez les Alcooliques Anonymes ce qu’on appelle les slogans. Ce sont des petits bouts de phrases qui sont affichés dans les salles où ont lieu les réunions, généralement des sous-sols d’églises ou des salles paroissiales qui sentent la fumée de cigarette et le café. Les slogans sont là pour rappeler aux membres, surtout les nouveaux qui ne savent pas trop à quoi s’accrocher, les principes essentiels qui sont à la base du mouvement. Quelquefois, après avoir fini son partage, le conférencier ou la conférencière choisit de commenter l’un ou l’autre des slogans en nous disant comment ça l’aide à conserver sa sérénité et sa sobriété.
J’aimerais réfléchir avec vous sur un de ces slogans qui est pour moi particulièrement important : Pensez, méditez, pensez. Pour moi, ce slogan est un remède contre l’impulsivité. Mais pourquoi faut-il se méfier de l’impulsivité ? Parce qu’une réaction impulsive est souvent ce qui amène un alcoolique à faire une rechute et à recommencer à boire. Je ne parle pas, bien sûr, de l’impulsivité qui nous pousse à offrir des fleurs à une personne qu’on aime simplement pour lui dire qu’on l’apprécie ou à donner vingt dollars à un sans-abri. Je pense plutôt à l’impulsivité alimentée par la rancœur et l’amertume qui fait qu’on prend des décisions qui ont des conséquences néfastes souvent irréparables.
J’ai souvent vu autour de moi des personnes qui, sur un coup de tête, habitées par de grandes émotions et sans trop réfléchir, ont dit ou fait des choses qui leur ont occasionné par la suite beaucoup de désagréments, d’angoisse et de regrets. Vous me direz que ça n’arrive pas qu’aux alcooliques. C’est vrai, mais c’est vrai aussi que pour les alcooliques les conséquences peuvent être plus désastreuses. Un gars que j’ai rencontré chez les A.A. m’a un jour dit que très souvent un alcoolique recommençait à boire parce qu’il lui arrivait une chose qu’il ne pouvait pas accepter et que c’était souvent une chose qui, à bien y penser et avec le recul, n’avait pas tellement d’importance. Une réaction irréfléchie et impulsive suffit à mettre le feu aux poudres. J’ai vu des gars démissionner d’un emploi qu’ils aimaient ou mettre fin à une relation qui était importante pour eux à cause d’une réaction impulsive incontrôlée qu’ils ont regrettée amèrement par la suite.
Pour moi, ce slogan est d’autant plus important que même si je suis sobre depuis près de trente ans, je reste un alcoolique. Considérant le fait que les alcooliques sont généralement des êtres impulsifs et émotifs, il est essentiel que je prenne le temps de m’arrêter pour penser, méditer et penser. Je le fais beaucoup en écrivant des petits textes comme celui-ci. Ça me permet de garder contact avec moi-même et de mettre les choses en perspective. Comme je l’ai déjà mentionné dans un autre article, j’ai entendu un soir à la radio une écrivaine française dire que l’écriture était plus un acte de méditation que de communication. Pour moi, c’est un peu les deux. J’écris pour penser et méditer mais aussi pour partager mes pensées et mes réflexions avec ceux et celles que ça intéresse.
Il ne faudrait surtout pas croire que la réflexion bannit la spontanéité et la faculté de s’émerveiller. Ça se passe tout simplement à un autre niveau. J’ajouterais qu’une fois qu’on a fait le ménage dans tout le reste, l’esprit est beaucoup libre et disponible de s’exprimer et d'être attentif aux petites choses qui sont vraiment importantes mais qu’on ne prend pas toujours le temps de regarder et d’apprécier.
Après un an de sobriété, on m’a offert un jeton sur lequel il y a d’un côté A.A. ; de l’autre, c’est écrit Pense avant de boire. Appelle avant plutôt qu'après. Je le conserve précieusement.
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