La vraie et les fausses libertés
Qu’est-ce que la liberté ? Qu’est-ce qui fait qu’on est vraiment libre ? Est-ce que le fait de vivre dans un pays qui garantit les droits et les libertés individuelles fait nécessairement de ses citoyens des hommes et des femmes libres ? Je crois que oui… jusqu’à un certain point. Il suffit de parler avec ceux et celles qui ont vécu dans des régimes oppressifs et autoritaires pour se rendre compte que sans ces libertés fondamentales, on ne peut pas être vraiment libre.
J’ai connu un gars qui est né en Roumanie à l’époque de Ceausescu et un autre qui a vécu dans l’Iran des ayatollahs. Tous les deux m’ont dit la même chose : c’est la terreur et la peur que la terreur engendre qui font qu’il n’y a pas de liberté. On a peur des membres de sa propre famille, de ses amis et de ses voisins parce que tout le monde surveille tout le monde, et on finit par ne plus savoir à qui l’on peut vraiment faire confiance. On a peur de dire quelque chose qui pourrait se retourner contre nous même en rêvant. Le Canadien d’origine iranienne m’a dit que dans son pays, ça devait être pire parce qu’en plus de contrôler vos allégeances politiques et vos opinions, on s’efforce de scruter vos pensées les plus profondes pour s’assurer qu’elles sont conformes aux normes religieuses.
Est-ce que ça veut dire que les gens qui vivent dans des pays libres sont entièrement libres. Plusieurs en ont l’illusion mais je ne crois pas que ce soit le cas. Pourquoi ? À mon avis, c’est à cause de la conception que les gens se font généralement de la liberté. Un rescapé d’un régime totalitaire qui arrive dans un pays libre est toujours étonné de constater jusqu’à quel point l’idée que les citoyens de son pays d’adoption se font de la liberté est superficielle. Les gens peuvent étudier ce qu’ils veulent, choisir eux-mêmes le travail qu’ils vont faire ou la carrière qu’ils veulent entreprendre ; ils peuvent déménager, changer de ville et aller vivre où ils veulent ; ils peuvent voyager, devenir très riche ou très pauvre, flâner dans les rues sans être inquiétés, fréquenter qui ils veulent, etc.
Et puis arrive la pandémie ! Et on leur demande de porter un masque pour protéger la santé et la vie des autres. On leur dit qu’ils ne peuvent plus aller dans les clubs ou au restaurant, et on leur demande aussi d’éviter de se réunir en groupes jusqu’à ce qu’on trouve un vaccin pour immuniser tout le monde. Quelques-uns se rebellent et s’indignent qu’on veuille ainsi porter atteinte à leur liberté, organisent des manifestations, boycottent le port du masque et les mesures préventives, et quelquefois deviennent même violents.
Ceci m’amène à me poser une question. Est-ce que c’est seulement ça la liberté : faire ce qu’on veut, quand on veut et avec qui on veut…toujours…qu’elles que soient les circonstances ? Je ne crois pas. Je crois que plusieurs adhèrent à cette conception un peu puérile et superficielle de la liberté parce tout le monde autour d’eux y croit, et qu’ils ont peur de ne pas penser comme les autres. Alors, c’est quoi la vraie liberté ? On entend souvent dire que notre liberté finit où celle des autres commence. À mon avis, c’est très vrai mais ce n’est pas tout le monde qui pense comme moi.
La liberté et la peur sont intimement liées. Je dirais que la vraie liberté ne peut pas cohabiter avec la peur : peur de perdre la face, ses amis, sa réputation, son confort matériel, intellectuel et spirituel, son argent, son pouvoir, sa santé et même sa vie. Je vous avouerai aussi que je n’ai pas atteint ce niveau de liberté et que je ne l’atteindrai jamais. Ça demande du caractère, énormément de courage, et une force intérieure et des convictions très profondes pour surmonter la peur. Je pense à ces jeunes étudiants allemands, membres d’un mouvement appelé La Rose blanche, qui, en 1941, ont distribué des tracts contre le régime nazi en plein cœur de Berlin. Ils ont bien sûr été arrêtés et mis à mort. Il y a aussi ces jeunes militants antiracistes américains dans les années 1960 qui partaient de Boston et de New-York pour aller protester pacifiquement contre la ségrégation raciale au Mississipi et en Alabama. On leur cassait les jambes à coups de battes de baseball, et au bout de quelques mois, ils revenaient en sachant ce qui les attendait. Et il y a de nombreux exemples comme ça un peu partout dans le monde et à toutes les époques.
Il y a un mot dans une phrase de l’Évangile qui définit bien ce qu’est la liberté. Il est écrit au sujet de Jésus : « Au moment d’entrer librement dans sa passion… » Librement, ce mot est très important pour moi parce qu’il définit très bien ce qu’est la véritable liberté. La liberté, c’est la capacité de choisir ce qui est difficile, quelquefois énormément difficile, pour rester fidèle à ce que l’on considère être essentiel. Et derrière cette force qui permet de surmonter la peur et de faire face à la tyrannie quel qu’en soit le prix, il y a l’amour. On pourrait dire aussi qu’à la base de la véritable liberté, il y a l’amour qui permet de surmonter la peur.
Les paroles de cette chanson ont été écrites par Miguel Hernandez, un poète espagnol condamné à mort par le régime Franco. Il est mort en homme libre, en prison, en 1942. Il avait 32 ans.
https://www.youtube.com/watch?v=0bJE-eB3Vgs
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