Les vieux amis qu'on a perdus en chemin
Ça vous est peut-être arrivé de retrouver sur Facebook la trace de quelqu’un avec qui vous étiez ami il y a vingt, trente, quarante ou même cinquante ans, et avec qui, pour une raison ou une autre, ou quelquefois même sans raison, vous avez perdu contact. Vous devenez des amis sur Facebook par curiosité, pour voir un peu ce qui se passe dans la vie de l’autre, et pour que l’autre puisse voir un peu ce qui se passe dans la vôtre mais sans plus. Mais quelquefois, après un certain temps sur Facebook, vous vous demandez si vous aimeriez rencontrer en personne ce vieil ami qui faisait autrefois partie de votre vie. Vous hésitez. Vous vous dites que vous avez tellement changé depuis la dernière fois que vous vous êtes vus que vous n’avez probablement plus grand-chose en commun ; et vous vous dites aussi que si ce vieil ami a changé autant que vous, alors là vous n’avez sûrement plus rien du tout en commun.
Dans les changements qui se produisent dans la vie d’une personne, il y a en général une continuité. Quand il s’agit de votre vie, vous savez ce qui vous amené, progressivement, à travers diverses rencontres et expériences, à ne plus penser comme vous pensiez autrefois et ne plus être celui ou celle que vous avez déjà été. Et c’est la même chose pour cette personne avec qui vous avez été ami et que vous retrouvez vingt, trente, quarante ou même cinquante ans plus tard sur Facebook.
Il y a des cas où les trajectoires sont irréconciliables parce qu'elles sont trop différentes. Imaginez un gars qui aurait était néo-nazi quand il avait vingt ans et qui aurait changé du tout au tout dans la trentaine. Ce gars-là, dans la soixantaine, devient ami sur Facebook avec son meilleur ami de quand il avait vingt ans sans trop savoir ce qu’il est devenu. En parcourant sa page Facebook, il tombe sur une photo de son ami avec un une immense croix gammée tatouée sur la bedaine. Le gars décide, non seulement de ne pas rencontrer en personne son vieil ami, mais également de ne plus rester ami avec lui sur Facebook.
Il y a aussi des cas où les cheminements, sans être complètement incompatibles et irréconciliables, sont trop différents pour que l’amitié qui a déjà existé des décennies plus tôt renaisse comme des fleurs que l’on aurait oublié d’arroser pendant quelques jours. On a bien sûr des choses en commun mais on ne pense plus de la même façon ; on a développé des intérêts pour des choses différentes et on a laissé tomber des choses qui ne nous intéressaient plus ou qui ne correspondaient plus à ce que nous sommes devenus.
Pour moi, je trouve intéressant de voir à travers les photos et tout ce qu’ils affichent sur Facebook ce que sont devenus mes vieux amis, mais ça ne veut pas dire que je me sentirais à l’aise de les revoir en personne. D’une part, le simple fait de parler me demande un effort. Ma voix est plus faible qu'avant et je dois la forcer un peu pour me faire entendre. Il y a aussi le fait que je parle la plupart du temps en anglais et que je pense en français qui crée une certaine confusion dans mon cerveau. Le mot que je cherche désespérément quand je parle français me vient en anglais, et le mot que je cherche désespérément quand je parle anglais me vient en français. D’autre part, je suis plutôt introverti et je trouve difficile de m’exprimer à l’oral. Je ne sais pas trop quoi dire et, contrairement à l’écrit, je me sens toujours un peu stressé quand je m’exprime oralement. Quand j’écris, j’ai le temps de penser et de trouver la meilleure façon de dire ce que j’ai à dire.
Il y a des gens pour qui parler ne demande aucun effort. C’est naturel et leurs paroles coulent comme l’eau d’une rivière qui vient de dégeler au printemps. S’ils rencontrent un ami qu’ils n’ont pas vu depuis des décennies, c’est facile pour eux de rétablir immédiatement et spontanément le contact. Pour moi, c’est important de raconter et d’expliquer ce que je suis devenu et de savoir comment mes vieux amis ont évolué, pas seulement pour ce qui est des intérêts qu’ils ont développés, des voyages qu’ils ont faits et des enfants qu’ils ont eus, mais aussi dans leurs valeurs et leurs façons d’être et de penser. Pour moi, l’écriture est le meilleur moyen de faire ça parce que ça correspond beaucoup plus à ma personnalité.
Le but de cet article n'était pas de dire s'il faut ou s'il ne faut pas tenter de revoir en personne les vieux amis qu'on a perdu de vue depuis des décennies et avec qui on a rétabli un lien sur Facebook. Je voulais simplement vous dire comment ça se passe pour moi.
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