Les regrets et les remords
J’imagine que tout le monde a des regrets et des remords. Ça fait partie de la condition humaine. Même si les regrets et le remords se ressemblent, il y a, à mon avis, une différence énorme entre les deux. Je n’ai pas pris la peine de chercher la définition précise des deux mots dans le dictionnaire avant de commencer à écrire ce texte. Je me suis contenté de revenir sur des expériences personnelles pour illustrer comment, pour moi, ces deux concepts correspondent à des réalités différentes.
Je regrette de ne pas être allé à Dublin quand j’ai visité l’Irlande à vélo en 1978. Je regrette de ne pas avoir commencé à apprendre l’espagnol plus tôt et de ne pas avoir consacré plus de temps et d’énergie à mon apprentissage après avoir commencé. Ce sont là des regrets, pas des remords. Ce ne sont pas des choses pour lesquelles je me sens coupable. Les regrets relèvent d’un manque de jugement et de réflexion. Ce sont des choses que nous avons faites et des décisions que nous avons prises qui auraient pu être différentes.
Je n’ai pas de regrets ou de remords d’avoir trop bu pendant une bonne quinzaine d’années de ma vie. Je suis né d’un père et d’un grand-père alcooliques dans une société où l’alcool était omniprésent. Le fait d’être alcoolique n’a pas été un choix que j’ai fait ou une décision que j’ai prise. C’est une réalité qui était là et avec laquelle j’ai dû composer. J’aurais des regrets, et probablement aussi des remords, si je n’avais pas réagi au moment où je pouvais encore le faire.
Les remords, c’est différent ; c’est plus profond. Ça relève de nos valeurs et de nos convictions les plus profondes. Il y a un remords qui me hante depuis plusieurs années et que je ne peux pas chasser de mon esprit et de ma mémoire. Ça s’est passé il y a plusieurs années quand j’étais professeur de français langue seconde à la Banque du Canada. Au cours d’un conversation/discussion avec des étudiants de niveau avancé, un de mes étudiants dont j’ai oublié le nom mais dont je peux revoir le visage, a fait une blague très cruelle et de très mauvais goût sur les juifs et l’Holocauste. Personne n’a ri ; et moi, je n’ai rien dit. J’ai enchaîné avec autre chose.
J’aurais dû expulser cet étudiant de ma classe sur le champ, mais je n’ai pas réagi parce que je savais que si j’avais fait ce que j’aurais dû faire, il y aurait eu des conséquences. L’histoire aurait fait le tour de la Banque. Ça serait venu aux oreilles de la Direction. Il y aurait eu des questions et je serais devenu le centre d’attention.
Un remords, c’est ça : une chose dont on n’est pas fier mais dont on ne peut pas effacer le souvenir amer. Un remords, c’est une chose qu’on ne peut pas changer et qui nous suit jusque dans notre vieillesse comme un caillou dans la chaussure dont on ne pourrait pas se débarrasser.
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