La vie, l'amour, la mort
J’ai eu 67 ans aujourd’hui…dix ans de plus que mon père quand il est mort. Je suis quand même un peu étonné de voir que je me suis rendu là. Je n’étais pas parti pour ça. Quand je regarde ma vie jusqu’à maintenant, je me rends compte que le chemin que j’ai parcouru ressemble beaucoup à celui que beaucoup d’autres ont pris avant moi. J’ai construit ma maison avec les pierres que j’ai trouvées sur mon chemin. Au hasard de mes rencontres et de mes lectures, j’ai adopté des points de vue et des croyances, j’ai subi de nombreuses influences, et j’ai respiré l’air du temps. J’ai eu des moments d’exaltation et de désespoir. J’ai cru avoir trouvé la Vérité mais la maison que j’avais construite s’est écroulée à force de trop réfléchir, lire et observer. J’ai trouvé d’autres pierres pour la reconstruire, mais celle-là non plus n’a pas résisté à l’usure du temps et à mes questionnements.
Aujourd’hui, à 67 ans, je me demande s’il y a des choses que j’aurais dû comprendre et que je n’ai pas compris, s’il y a des choses que j’aurais dû faire et que je n’ai pas faites et s’il y a des choses auxquelles j’aurais dû croire et auxquelles je n’ai pas cru. Leonard Cohen disait dans une entrevue réalisée un peu avant sa mort que l’insatisfaction qu’ont les gens comme moi qui vivent dans le confort des pays développés, et qui n’ont pas eu à souffrir de calamités comme la guerre et la famine, vient du fait qu’ils considèrent qu’ils n’ont pas assez aimé ou qu’ils n’ont pas été assez aimés. Je vis avec quelqu’un qui a vécu dans un camp de réfugié et qui a survécu à un cancer. Elle ne se casse pas la tête avec ces questions existentielles, et elle ne fait pas d’angoisse métaphysique. Chaque matin, elle est reconnaissante d’avoir une journée de plus à vivre et elle en profite au maximum.
Le fait que je me pose toutes sortes de questions pour lesquelles il n’y a pas de réponses ne veut pas dire que je suis constamment en train de me les poser. Je fais du kayak et du ski de fond, je danse le merengue, le swing et la salsa, je fume des cigares quand je vais à Cuba, j’écoute de la musique et je lis des romans, mais ça ne m’empêche pas de très souvent me demander si l’amour est vraiment plus fort que la mort, et s'il y aura dans une autre vie un dieu pour consoler ces enfants syriens de sept ans, réfugiés dans un camp d'une île grecque de la Méditerranée, et qui ont tenté de se suicider parce qu’ils avaient perdu tout espoir d’une vie meilleure.
La chanson qui suit décrit assez bien mon cheminement et où j’en suis maintenant dans mes réflexions. C’est l’adaptation française d'une chanson inspirée d’un poème écrit par le poète espagnol Miguel Hernández intitulé Llegó con tres heridas. [1] Le titre de la chanson en français est La vie, l'amour, la mort. Elle est chantée par Nana Mouskouri.
https://www.youtube.com/watch?v=NWJWTsDCABI
[1] Je ne sais pas qui a mis le poème en musique pour en faire une chanson. La version originale en espagnol a été popularisée par Joan Baez dans les années 1960. La traduction française du premier couplet du poème est « Il est arrivé avec trois blessures : celle de la vie, celle de l’amour, celle de la mort. »
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