Réflexions sur le thème de la justice
La conception qu’on a de la justice est ce qui influence le plus nos décisions quand vient le temps de voter.
L’administration de la justice a toujours été au cœur de l’organisation sociale des êtres humains.
La justice peut se diviser en deux : la justice sociale et la justice criminelle.
La justice sociale consiste à répartir la richesse de façon à ce que tous les membres d’une société, surtout les plus faibles et les plus vulnérables, aient ce qui leur est nécessaire pour vivre ainsi que des chances à peu près égales de réussir. C’est aussi devenu son rôle de combattre la discrimination et de promouvoir l’égalité.
La justice criminelle consiste à assurer la sécurité des membres d’une société et à maintenir l’ordre. Pour ce faire, elle dispose de moyens de dissuasion et de répression allant d’amendes jusqu’à la peine de mort dans plusieurs pays. La réhabilitation, même si elle existe depuis longtemps dans une optique morale et religieuse, est un concept relativement nouveau pour ce qui est de l’application de la justice. Pour plusieurs, malheureusement, la justice criminelle n’est souvent associée qu’à la haine et à la vengeance.
Dans l’Antiquité grecque et romaine, le rôle de la justice sociale était de s’assurer que chacun garde la place qui lui était assignée dans la société. Il faut dire que ça n’a pas empêché le fils d’un esclave de devenir empereur.[1] Ce rôle a été sensiblement le même en Occident jusqu’au Siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l’homme.
Nos systèmes de justice modernes sont basés sur des principes philosophiques humanistes et sur les enseignements religieux qui ont favorisé leur émergence. Je ne parle pas des dogmes et des institutions mais du message originel tel qu’il existait, et qu’il a continué d’exister, même après avoir été perverti par les autorités religieuses et politiques.
Pour ce qui est de la justice criminelle, quoi qu’on en dise, on a fait des progrès dans nos démocraties occidentales. Une des façons d’administrer la justice au Moyen-Âge était les ordalies. Ça fonctionnait à peu près comme ceci : si, par exemple, une femme était accusée de sorcellerie, on l’obligeait à marcher sur le feu. Si Dieu la protégeait et qu’elle ne se brûlait pas les pieds, elle était déclarée innocente. Si, au contraire, elle avait les pieds brûlés, ça voulait dire qu’elle était coupable, et on lui brûlait aussi le restant du corps sur un bûcher. La torture utilisée pour extraire des aveux a été officiellement abolie en France un peu avant la Révolution. Ça ne veut pas dire qu'elle n'a plus jamais été utilisée.
On peut être tenté de faire la révolution pour rétablir la justice, mais comme l’expliquait Joseph à son fils Marcel dans le film La gloire de mon père, avec l’accent chantant de Marseille : « Le mot révolution veut dire faire un tour complet. C'est comme une roue. Ce qui était en bas se retrouve en haut et ce qui était en haut se retrouve en bas. Alors ça ne change pas grand-chose. »
Parlant de révolution, après son entretien avec le pape François 1er au cours duquel il a été question de justice sociale, Raoul Castro aurait fait la réflexion suivante : « Si nous avions eu un pape comme celui-là dans les années 1950, nous n’aurions pas eu besoin de faire la révolution. »
Pour bien administrer la justice criminelle, ça prend, à mon avis, du discernement, de la sagesse et de la compassion. Sinon, on n’aurait pas besoin de juges. On n’aurait qu’à créer un programme informatique qui appliquerait les sanctions en fonction des infractions.
Il y aura toujours des juges et des procureurs qui n’hésiteront pas à envoyer en prison ou à la mort des innocents si ça peut faire avancer leur carrière, mais il y aura toujours des avocats qui seront prêts à sacrifier leur carrière pour les innocenter.
Nous savons tous que la véritable justice ne peut pas exister parce que les humains et les institutions qu’ils ont créés pour se gouverner sont imparfaits. La justice a toujours été administrée par ceux qui, avec leurs intérêts personnels et leurs préjugés, détiennent le pouvoir. Dans de très nombreux pays, l’administration de la justice a toujours été et demeure un moyen de répression et d’oppression.
La promesse d’une véritable justice est, à mon avis, le plus grand attrait qu’exercent les religions sur les humains. Il y a le karma dans l’hindouisme et le bouddhisme; dans les religions révélées, c’est le jugement divin suivi de la récompense ou de la punition éternelle. L’idée que quelqu’un qui a causé la souffrance et la mort de millions d’êtres humains puisse ne jamais être puni est intolérable. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés. » Cette phrase des Béatitudes est un espoir et une consolation pour tous ceux et celles qui ont été victimes d’injustice ou qui ont sacrifié leur liberté et leur vie pour la justice. Est-ce que qu'une telle justice existe ailleurs que dans l'imagination des humains?
Pour nous les pauvres humains, avec ou sans l'espoir d'une justice divine, le défi est de continuer à rechercher inlassablement la justice tout en sachant que d’énormes erreurs ont déjà été commises, très souvent de bonne foi, et que d’autres seront commises. C’est une tâche gigantesque et très noble qui demande beaucoup de courage, de patience et d’humilité.
[1] Il s’agit de Dioclétien (144-341 AD) qui a été empereur du 20 novembre 284 au 1er mai 305. C’était à la fin de l’Empire.
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