Le tableau
Après avoir regardé pendant quelques instants ce tableau dans son ensemble, dépendant de sa profession et de ses intérêts, chacun s’attarderait ensuite à des détails différents :
- un géologue se demanderait quel âge ont les montagnes à l’arrière plan et comment elles sont apparues ;
- un ornithologue s’interrogerait sur l’espèce des oiseaux qu’on voit voler dans le ciel ;
- la curiosité d’un historien serait piquée par l’architecture de la bâtisse en pierres, et il se demanderait probablement par qui et quand elle a été construite ;
- un charpentier se demanderait comment ont été construites les bâtisses et avec quels matériaux ;
- un agent d’immeuble voudrait savoir où elles sont situées et quelle est leur valeur sur le marché immobilier ;
- ma femme tenterait d’identifier les plantes et les fleurs et se dirait que la chaise bleue au premier plan ressemble à celles que nous avons perdues le printemps passé pendant les inondations ;
- un pêcheur se dirait qu’il aimerait bien être à la place du gars en train de pêcher en se demandant quel type de poisson il pourrait bien attraper ;
- et moi qui suis un amateur de kayak, je constate que le kayak, long et étroit, ressemble plus à un kayak de compétition qu’à un kayak récréatif ;
- et un amateur de canot s’intéresserait plus au canot qu’au kayak.
Je me dis que c’est un peu la même chose pour une situation ou une problématique. Après avoir considéré la chose dans son ensemble, nous nous attardons à ce qui attire le plus notre attention et correspond le plus à nos intérêts. C’est normal jusqu’à un certain point de considérer les choses à partir de ce que nous sommes et de nos expériences personnelles, mais comme pour un tableau, il ne faudrait pas pour autant oublier où nous nous situons par rapport aux choses, et où les choses se situent les unes par rapport aux autres.
Quand nous regardons un tableau comme celui-ci sur notre ordinateur ou notre tablette, nous pouvons même utiliser la souris ou nos doigts pour agrandir une section en particulier et mieux en apprécier les détails. Nous pouvons même oublier complètement l’ensemble du tableau pour ne considérer que ce qui nous intéresse. Les journalistes et les faiseurs d’opinion peuvent faire la même chose avec la réalité. Très souvent, lorsqu’ils nous font le tableau d’une situation ou qu’ils nous présentent une problématique, ils choisissent de ne nous présenter que les détails qui correspondent le mieux à ce dont ils veulent nous convaincre et à ce qu’ils aimeraient nous faire croire. Ce n’est pas que ce qu’ils disent ou écrivent est faux, c’est que ce qu’ils choisissent de mettre en évidence prend une importance démesurée par rapport à l’ensemble et que d’autres détails dont nous aurions besoin pour mieux évalluer la situation et juger de la problématique sont volontairement ou inconsciemment laissés de côté.
De la même façon qu’elle nous permet de mettre au second plan, ou même d’enlever des choses qui y sont, la technologie nous donne la possibilité d’ajouter à une photo des choses qui n’y sont pas. Il en est de même pour la façon de rapporter un événement ou de décrire une situation. Et ça ne date pas d’hier. On se rappelle les cadres du parti bolchévique en Union Soviétique qui disparaissaient mystérieusement des photos officielles une fois qu’ils avaient été éliminés par le régime. Également en Union Soviétique, quand la Pravda était le journal officiel du parti, pour connaître la vérité les gens croyaient exactement le contraire de ce qu’ils lisaient. Joseph Goebbels, le responsable de la propagande du régime nazi, disait que pour faire passer un mensonge, il suffit de le mêler à des vérités et de ne pas cesser de le répéter. C’est la stratégie utilisée par Trump depuis qu’il a pris le pouvoir aux États-Unis en novembre 2016. Et il a aussi sa chaîne de télévision qui martèle nuit et jour les mensonges qu’il voudrait faire passer pour des vérités.
Avec la technologie et les réseaux sociaux, il est maintenant à la portée de tout le monde de fabriquer et de faire circuler de fausses nouvelles. Et un journaliste en apparence impartial peut choisir, pour promouvoir une idéologie ou défendre des intérêts, soit de mettre en relief ou de cacher certains aspects de la réalité. Comme je l’ai indiqué, je trouve qu’il est normal de considérer les choses de notre point de vue et de nous attarder un peu plus à ce qui nous intéresse, mais il ne faudrait pas oublier que d’autres font aussi la même chose, qu'ils sont quelquefois mal intentionnés, et qu'ils aimeraient nous faire voir les choses à leur façon. Il faut donc être très prudents par rapport à tout ce que nous entendons et lisons.
Quand je regarde un tableau, je peux choisir moi-même ce sur quoi je vais concentrer mon attention en sachant qu'il n'y aura pas de conséquences. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un enjeu de sociéte complexe et un peu abstrait, je dois, pour me faire une idée, me fier à ce que m'en disent d'autres qui connaissent mieux que moi le sujet, mais je dois également, pour avoir le tableau complet, comparer différentes sources d'informations. Prenons l'exemple des changements climatiques. Je sais que je n'ai pas l'expertise nécessaire pour avoir un tableau exact de la situation. Pour faire la part des choses, je dois donc choisir à qui je vais accorder ma confiance en fonction de la crédibilité que j'accorde à ceux et celles qui me présentent des arguments différents et contradictoires pour influencer mon opinion à ce sujet. Dans ce cas-ci, il m'apparaît évident que les scientifiques et les experts ont beaucoup plus de crédibilité que certains politiciens qui choisissent leurs opinions en fonction de leurs intérêts...mais tous les enjeux ne sont pas pour moi toujours aussi clairs.
Et finalement, pour me faire une véritable opinion, je crois aussi qu'il faut que je réfléchisse à tout cela à la lumière de ce que je considère être mes valeurs et mes convictions les plus profondes.
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