Diego et Elvira
Un prince à la recherche d’une femme qui l’aimerait vraiment pour ce qu’il est, et pas seulement pour son titre et son argent, se fait passer pour un paysan. Dans un habillement qui ne laisse rien voir de sa fortune et de son véritable état, il part en quête de celle à qui il donnera son amour et avec qui il partagera sa vie. Il la trouve au marché d’un village où elle vend des cochons et des fleurs. Ils se fréquentent pendant quelque temps, et quand il est sûr de la sincérité de ses sentiments envers lui, il lui dit qui il est vraiment. Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Un vrai conte de fée !
Maria et moi avons récemment entendu une version moderne de cette histoire quand un couple d’amis nous a raconté de quelle façon ils se sont rencontrés. C’est elle, Elvira, qui nous a raconté l’histoire ; lui, Diego, s’est contenté de confirmer et d’ajouter quelques détails.
Elle était dans un Tim Horton d’Ottawa et attendait pour s’acheter un café. Un homme vêtu d'une salopette tachée d’huile lui sourit. Comme elle ne sait pas si c’est à elle qu’il sourit, elle se retourne pour voir s’il y a quelqu’un derrière elle à qui aurait pu s’adresser le sourire. Il n’y a personne. Elle répond à son sourire par un sourire. L’homme s’approche et lui propose de lui offrir un café. Elle refuse mais accepte de s’assoir avec lui. Il lui demande son numéro de téléphone, et la raccompagne chez elle dans une vieille bagnole rouillée avec une porte défoncée qui ne peut pas fermer correctement.
Il se passe trois mois avant qu’il ne lui téléphone. Il lui propose d’aller prendre un café au Tim Horton où ils se sont rencontrés. Elle s’y rend et il n’est pas là. Il se passe trois heures avant qu’il ne se pointe, et elle, elle a attendu tout ce temps-là en lisant le roman qu’elle avait heureusement apporté avec elle. Il ne donne aucune explication pour justifier son retard.[1] Le second rendez-vous mettra deux ans à venir. Il lui téléphone, comme on dit en anglais out of the blue, et l’invite à prendre un café au même endroit. Elle accepte. Cette fois-là, elle a dû attendre deux heures avant de le voir arriver. Il la raccompagne chez elle dans la même vieille minoune rouillée, et il portait le même genre de vêtements.
Pour leur troisième rendez-vous, il lui propose un repas italien chez East Side Mario.[2] Quand elle arrive au restaurant, il est déjà là à l’attendre. Il porte un costume trois pièces et une cravate. Après le repas, il lui dit qu’il aimerait la présenter à quelques amis. Ils se rendent chez un concessionnaire de voitures de luxe. Il lui présente le gérant des ventes, celui des pièces et celui du service. C’est lui le propriétaire. Il est également propriétaire de deux autres concessionnaires automobiles à Ottawa et à Gatineau. Il a plusieurs édifices des deux côté de la rivière. Bref, il est plusieurs fois millionnaire.
Il est né à Madrid et elle aux Philippines d’un père espagnol et d’une mère philippine. Diego n’est pas très grand, et il a une vingtaine d’années de plus que sa compagne. Il va bientôt fêter des quatre-vingt ans. Elvira a le teint très pâle et une chevelure noire très épaisse. Elle ressemble à une danseuse de flamenco. Elle est plus grande que Diego. Ils sont ensemble depuis près de vingt ans et ont l’air de très bien s’entendre. Nous les avons rencontrés il y a à peu près un an au cours d’une fête à laquelle nous avaient invités des amis philippins. Depuis, nous les avons revus quelques fois pour aller danser, et ils sont venus une fois chez nous et nous sommes allés chez eux une fois.
Diego avait-il besoin de toute cette mise en scène pour s’assurer qu’Elvira l’aimait vraiment et qu’elle n’en avait pas que pour son argent ? Je ne sais pas. Toujours est-il qu’ils ont maintenant l’air très heureux ensemble. On retrouve plusieurs variantes de cette histoire d’un prince qui se fait passer pour un paysan dans le but de trouver le véritable amour dans différents pays et dans différentes cultures.
Voici une balade irlandaise qui raconte une histoire un peu semblable, sauf que dans ce cas-ci, la jeune femme, qui vient d'une riche et puissante famille, croit être tombée amoureuse d'un troubadour bohémien qui l'a séduite par sa belle voix et ses chansons alors qu'il est en réalité un noble issu d'une famille encore plus riche et puissante que la sienne. "He whistled and he sang til the green woods rang, and he won the heart of a lady."
https://www.youtube.com/watch?v=apFNX0M8-wg
[1] Si j’avais inventé cette histoire, je n’aurais pas écrit qu'elle a attendu trois heures mais une vingtaine de minutes. Je vous la raconte telle qu’elle nous a été racontée sans en changer les détails.
[2] Encore une fois, si j’avais inventé cette histoire, j’aurais choisi un endroit plus chic et plus cher.
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