Les rêveries du retraité solitaire

Je ne sais pas s’il est parti un peu avant ou après sa naissance. Tout ce que je sais, c’est qu’elle n’avait jamais vu son père avant l’âge de six ou sept ans. Elle avait souvent demandé à sa mère qui était son père et si elle pourrait le rencontrer. Un jour, sa maman a organisé une rencontre pour que sa petite fille puisse finalement voir son papa. Quand elle est revenue de l’école, sa maman lui a dit que l’homme assis dans le fauteuil à l’autre bout du salon était son papa. Elle a couru vers lui pour se jeter dans ses bras. Il lui a tourné le dos…littéralement.

Ce jour-là, la petite fille s’est dit que plus jamais elle ne subirait un tel rejet. Elle s’est dit qu’avant qu’on ne lui tourne le dos, c’est elle qui tournerait le dos. Elle s’est aussi dit qu’étant donné que son père ne se souciait pas d’elle, elle pourrait très bien vivre sa vie à sa façon sans attendre l’approbation des autres. À la suite de cet incident, elle a développé dans sa tête une force aussi grande que la blessure qu’elle portait dans con cœur.

Nous avons tous nos propres blessures qui ont contribué en partie à faire de nous ce que nous sommes. Pour nous protéger, nous développons des stratégies : des réflexes et des façons de voir et de faire les choses qui peuvent paraître irrationnelles et exagérées pour les autres mais qui fonctionnent pour nous. Comment nous composons avec de telles blessures dépend de notre nature profonde. Le fait d'être ou de ne pas être de nature optimiste ou optimiste, ou le fait d'avoir ou de na pas avoir en nous une force de caractère innée détermine comment nous passerons le reste de nos vies avec nos blessures. Il y en a qu’une blessure anéantit sans qu’ils ne puissent jamais s’en remettre ; il y en a d’autres qu’une blessure rend plus forts et déterminés à vivre heureux et libres malgré tout.

Chose certaine, une blessure comme celle qu’a subie cette petite fille laisse des traces. On n’en sort jamais complètement intact. Il suffit de se la rappeler ou de la raconter à quelqu’un pour en raviver le douloureux souvenir.