Le paresseux
Alain a toujours eu la réputation d’être un peu paresseux. Pour lui, tout au long de sa vie, la seule loi qui a toujours prévalu est celle du moindre effort. Il n’était pas paresseux au point de ne rien faire, mais il ne faisait que le strict nécessaire. Il avait une ferme avec un jardin et quelques animaux. C’était juste assez pour assurer sa subsistance ; il ne voulait ni en avoir ni en faire plus.
Quand il en avait fini avec les travaux de la ferme, au lieu de couper le gazon autour de sa maison, Alain le regardait tranquillement pousser bien assis sur son balcon. Quand il était dans la maison, il s’émerveillait de l’ingéniosité des araignées qui tissaient leurs toiles au plafond de son salon. Il a été le premier dans le village à posséder un hamac.
En hiver, il enlevait juste assez de neige dans son entrée pour pouvoir entrer et sortir sa camionnette. Et si vous vouliez lui rendre visite, il y avait une pelle que vous pouviez utiliser pour vous creuser un chemin pour entrer et sortir votre voiture.
Il y a quelques jours, au téléphone, ma sœur m’a parlé d’Alain. Je me souvenais vaguement de lui. J’arrivais chez ma sœur le samedi soir, et il était en train de jouer aux cartes avec elle et mon beau-frère. Il y a de cela plus de quarante ans. Je me souviens qu’il avait les yeux rieurs, le sourire aux lèvres et toujours une bonne blague à raconter.
Ma sœur m’a dit que dans la soixantaine avancée, Alain était devenu très actif et qu’il dépensait son temps et son énergie sans compter…à faire du bénévolat. Je crois qu’Alain n’a jamais vraiment été paresseux. Il n’était juste pas ambitieux. Il ne voyait pas l’intérêt de travailler plus fort pour en avoir plus que ce dont il avait besoin pour vivre. Le jour où il a trouvé une bonne raison pour le motiver à en faire plus que le strict nécessaire pour assurer sa survie, il n’a pas hésité à le faire.
Aujourd’hui, Alain est plus actif que la plupart ce ceux qui l’ont toujours traité de paresseux. Il a confié à ma sœur qu’il avait toujours souffert de la réputation qu'on lui avait faite. Moi, je crois qu’Alain est un homme bon et généreux qui a découvert dans le don gratuit de son temps et de son énergie le vrai sens de la vie.
P.-S. : Si vous avez mon âge, cette histoire a dû vous faire penser à Alexandre le bienheureux. Ce film français de 1968 m’est revenu en mémoire en écrivant ce texte. Alain est notre Alexandre le bienheureux québécois.
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