Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Le grand ménage

"J'ai démaquillé ma vie trop fardée

J'ai fait le grand ménage pour mes retrouvailles"

 

Claude Léveillée

 

Quand on a accumulé trop de choses et qu’on ne se retrouve plus dans ses affaires, c'est le temps de faire le grand ménage et de décider de ce qu'on va garder et de ce qu'on va jeter. On se met à la tâche. On fait l'inventaire de tout ce qu'on a ramassé au fil des années en essayant de déterminer du mieux qu'on peut ce qui pourrait encore nous être utile et ce dont on pourrait se débarrasser, mais ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. Il y a des choses dont on n’a vraiment pas besoin mais auxquelles on reste attaché pour des raisons sentimentales. À cause des souvenirs qui y sont rattachés, l'objet complètement inutile qu'on a entre les mains peut nous faire sourire ou nous rendre triste et mélancolique, et ça devient très difficile de s'en départir.

 

Le plus long et le plus plate, c’est les papiers : vieux reçus, talons de chèques, relevés de comptes bancaires, garanties pour des objets qui n’existent plus, etc. Heureusement, avec Internet, il y a de moins en moins de ces papiers qui s’accumulent dans nos classeurs. C’est un travail long, fastidieux et un peu pénible que mon père détestait. Il appelait ça « faire le ménage dans mes papiers », et il ne fallait pas le déranger quand il était occupé à faire ça.

 

Et puis on tombe par hasard sur une boîte de vieilles photos, et là le temps s’arrête. On s’assoit au milieu du plancher pour mieux se plonger dans nos souvenirs, et on entre dans une autre dimension où le passé et le présent se mélangent. Il y a les vieilles photos jaunies de ceux et celles qui nous ont précédés et qui sont disparus pour toujours. On revit les précieux moments qu'on a passés ensemble et on se souvient de l’importance que ces personnes ont eue dans nos vies. Des visages et des paysages défilent sous nos yeux, à des époques et dans des lieux différents, des visages et des paysages qui font remonter en nous toutes sortes de souvenirs et d’émotions. C’est difficile de se débarrasser de ces photos. On se dit qu’on est probablement la dernière personne à les regarder, et qu’après qu’on ne sera plus là, il ne restera plus rien, et que ces photos ne seront plus les souvenirs de personne.

 

Et il y a aussi les photos de nous-mêmes qui nous renvoient à ce que nous étions à différentes étapes de notre vie : un bébé joufflu, un élève un peu triste portant un béret, un hippie aux cheveux longs, une photo de mariage, des photos de vacances, et toute une série de photos retraçant la progression de la calvitie d’hier à aujourd’hui. Et on se souvient vaguement de ce qu’on pensait, de ce à quoi on croyait, de ce qu’on espérait, de ce qui nous rendait heureux ou triste. Quand on revient à la réalité, on est surpris de constater qu’on a passé plus de temps qu’on pensait dans cet espace en dehors du temps.

 

Les vieux livres sont aussi des objets importants de notre passé. Quelques-uns ont été comme des phares pour nous guider, certains nous ont fait découvrir les beautés de la poésie et la sagesse de la religion et de la philosophie tandis que d’autres nous ont tout simplement amusés ou divertis. Chacun correspond à une étape de notre vie et à l’état d’esprit dans lequel on était quand on l'a lu. Il y en a qu’on aimerait relire pour voir si on les comprendrait de la même façon, ou pour vérifier s’ils n’ont pas quelque chose d'autre à nous apprendre. C’est pour cette raison qu’il est tellement difficile de se débarrasser d’un livre qu’on a aimé. Si on a encore de vieux disques vinyles et des vieux CD, c’est un peu la même chose. Les chansons et la musique qu’on écoutait sont des points de repère sur le chemin qu’on a parcouru. Une simple chanson peut nous faire voyager dans le temps et dans l'espace, pas seulement de l'extérieur,  mais avec tout ce que l'on vivait et ressentait à l'intérieur.

 

Quand j’écris mes petits articles pour mon blogue, c’est un peu comme si je faisais le ménage dans ma tête. Je fais le point sur mes valeurs et mes croyances, sur ce qui est important pour moi et sur ce qui l’est devenu un peu moins. J’essaie de faire des liens entre mes expériences passées, les personnes que j’ai rencontrées, les conversations et les discussions que j'ai eues, les livres que j’ai lus et les chansons et la musique que j’ai entendues pour mieux voir ce qui ce qui se dégage de tout ça, pour découvrir ce qui est essentiel pour moi. Je reviens sur ce que j’ai vécu pour en tirer des leçons et essayer d'y voir un peu plus clair.

 

Ça fait un peu plus d’un an que je fais ça. Ce que je retiens de cet exercice est qu’il ne faut pas se juger trop sévèrement. Il faut être indulgent et avoir de la compassion envers ce qu’on est et ce qu’on a été. On a tous fait des erreurs. On a fait des choses qu’on n’aurait pas dû faire, et il y a des choses qu'on aurait dû faire qu'on n'a pas faites. On a dit des choses qu’on n’aurait pas dû dire, et on n’a pas toujours dit les choses qu’il fallait dire. On a tous connus des échecs. On a fait ce qu’on a pu avec ce qu’on avait : notre hérédité, nos capacités physiques et intellectuelles, notre équilibre affectif et neurologique, la culture qu'on nous a transmise, l'exemple et les enseignements qu’on a reçus, et tout ce qu'il y a de beau et de moins beau, et de quelquefois horrible, que le hasard ou le destin a mis sur notre chemin. On a vécu, pas toujours comme on l'avait prévu ou comme on l'aurait voulu, mais on a vécu. Et on continue à vivre avec tout ce que notre passé a fait de nous. On continue à vivre dans la confiance et dans l'espérance...malgré tout.

 

On continue à marcher et à user nos souliers comme un pèlerin, parfois dans les sentiers de bord de mer parfumés de vent salé, de pins et de rosiers, mais le plus souvent dans la boue et sous la pluie glacée d'un ciel gris et triste de novembre ou dans l'immense solitude de sable et de pierres des déserts. Et je pense à ce que Félix Leclerc a écrit dans une de ses plus belles chansons :

 

 

« Au paradis parait-il mes amis
C'est pas la place pour les souliers vernis
Dépêchez-vous de salir vos souliers
Si vous voulez être pardonnés
Si vous voulez être pardonnés »

 

 

Pour revenir au grand ménage, à part les vieux papiers, on finit par ne pas jeter grand-chose. Il y a tellement d'objets qui ont une histoire à raconter et qui nous rappellent tant de souvenirs. Ça prend quelque chose d'extérieur à nous-même pour nous forcer à nous en séparer. Pour moi, ça a été les inondations que nous avons eues au chalet et qui ont emporté presque tous mes livres et plusieurs de mes vieilles photos. Mais il me reste toutes les vieilles choses inutiles qui n'étaient pas au chalet mais bien au sec à la maison. Et je ne me sens pas prêt à m'en départir. Pas encore. Ça ira au prochain grand ménage.

 

 

Chanson Le grand ménage de Claude Léveillée :

 

https://www.youtube.com/watch?v=Y4SWje-lbcU

 



01/07/2017
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