Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

L'humour

L’humour a toujours été une chose très importante dans ma vie. Il y a toujours eu beaucoup d’humour dans ma famille. Nous avons appris très jeune à voir le côté humoristique des choses et à en rire. Ma mère, malgré toutes les difficultés qu’elle a vécues, a toujours gardé son sens de l’humour. Quand on ne s’est pas vus depuis longtemps, mes sœurs et moi, c’est l’humour qui nous permet de nous retrouver où on s’était laissés ; et je dois dire qu’il y avait aussi beaucoup d’humour dans la relation que j’avais avec mon frère.

 

C’est souvent par le biais de l’humour que je suis entré en contact avec les personnes qui sont devenues mes amis. Une blague partagée est souvent le déclic qui fait en sorte qu’on se reconnaît dans l’autre ; c’est ce qui nous révèle qu’on a des affinités et qui nous dit qu’on va pouvoir s’entendre.

 

L’humour permet de prendre du recul par rapport à plusieurs choses et de dédramatiser des situations difficiles. Lorsque je suis arrivé pour la première fois chez les Alcooliques Anonymes, quelqu’un m’a dit que les A.A., c’était un mouvement sérieux mais pas triste. Il y a en effet beaucoup d’humour et d’autodérision dans les témoignages que j’ai entendus. Et on rit parce qu’on se reconnaît ; on rit, et on réfléchit. Ça permet de ne pas trop se prendre au sérieux tout en prenant au sérieux les attitudes, les façons de penser et les comportements qu’il faut changer si on veut atteindre et conserver la sobriété et la sérénité.

 

L’humour aide à mieux méditer et à mieux réfléchir parce qu’en l’utilisant pour pousser le plus loin possible certaines positions ou certains raisonnements, on arrive à mieux en voir les limites et les contradictions. L’humour met en évidence l’absurdité de ce que l’on considérait comme des vérités immuables et absolues et nous ramène à l’essentiel.

 

Mais qu’est-ce qui nous fait rire ? Qu’est-ce qui fait qu’on trouve que quelque chose est drôle ? Lorsque j’étais au collège Saint-Alexandre, il y a très longtemps, une petite fête avait été organisée au cours de laquelle un goûter était servi. J’étais un peu à l’écart et je riais en observant un camarade de classe qu’on appelait Obelix qui s’apprêtait à avaler, la bouche grande ouverte, le minuscule sandwich qu’il tenait entre les mains. Un père du Saint-Esprit[1] s’est approché de moi et m’a demandé pourquoi je riais. Je lui ai dit que je trouvais ça drôle de voir un gars aussi gros manger un sandwich aussi petit. Il m’a dit que ma réaction était tout à fait normale parce que, selon Bergson, le philosophe spécialiste du rire, le rire vient souvent d’un contraste. À bien y penser, c’est vrai. Quand on rit, c’est presque toujours à cause d’un contraste : le contraste entre ce qu’on dit et ce qu’on devrait dire, entre ce qu’on fait et ce qu’on devrait faire, etc.

 

Je trouve que Mr. Bean est un très bon exemple du rire qui naît du contraste. Mr. Bean dit et fait toujours des choses qui contrastent avec ce qu’il devrait normalement dire et faire dans les situations dans lesquelles il se trouve. En voici un exemple :

 

https://www.youtube.com/watch?v=0WvKJhwea1U

 

L’humour a également une dimension pédagogique et sociale. Molière a utilisé l’humour dans ses pièces de théâtre pour dénoncer les travers et l’hypocrisie de la société de son époque et la faire progresser, un peu de la même façon que le font les humoristes et certaines comédies (films ou émissions de télé) dans notre société actuelle. Encore là, pour revenir à Bergson, il s’agit au départ d’identifier et de mettre le doigt sur les contrastes pour ensuite mieux en dénoncer l’absurdité et les contradictions. L’humour a donc, selon moi, un très grand rôle à jouer tant au plan individuel que collectif.

 

Il y a énormément de choses à dire et à écrire au sujet de l’humour. Je pourrais traiter de l’humour noir, des particularités de l’humour britannique et des spécificités de l’humour juif, des différences entre l’humour français et québécois et de plein d’autres choses, mais je vais me contenter de ce que j’ai déjà écrit. J’ajouterais seulement ceci : je ne sais pas s’il existe un humour typiquement vietnamien, mais je sais que l’humour que je partage avec Maria crée entre nous une complicité et un lien unique que nous n’aurions probablement pas autrement.

 

Je termine cet article sur l’humour avec une blague que m’a envoyée mon ami André.

 

Un homme se décide à rentrer dans les ordres.
Le novice se rend à l'abbaye et est accueilli dans une communauté réputée pour son vœu de silence.
En fait, chaque moine n'est autorisé qu'à prononcer deux mots tous les dix ans.
Après une décennie de silence complet, il est appelé chez l'abbé qui l'invite à prononcer ses deux premiers mots.
« Nourriture froide ! » dit-il.
Il retourne à sa vie contemplative, et dix autres années se passent.
A nouveau convié chez l'abbé, il prononce ses deux nouveaux mots après vingt ans de vie recluse.
« Lit dur ! » soupire-t-il.
Dix autres années passent.
Après trente ans de vie monastique, il est appelé par l'abbé pour prononcer ses deux nouveaux mots.
« Je pars. » annonce-t-il.
« Ça ne m'étonne pas » réplique l'abbé, « vous n'avez pas arrêté de vous plaindre depuis que vous êtes ici. »

 



[1] Les pères du Saint-Esprit étaient membres de la congrégation religieuse qui administrait le Collège Saint-Alexandre à cette époque.



07/11/2019
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