Les rêveries du retraité solitaire

J’ai récemment écrit un texte à partir d’un poème de François Cheng, cet écrivain français d’origine chinoise membre de l’Académie française. François Cheng n’a pas écrit que des poèmes. Il a aussi publié un livre intitulé De l’âme dont je viens de terminer la lecture. Au début du cinquième chapitre de ce livre, il écrit : «  Chacun de nous devrait écrire un jour -au moins intérieurement- son Je me souviens [1], car il est essentiel de retracer, pour soi ou en le partageant, l’itinéraire se son âme, qui est notre vraie vie.

Je me suis rendu compte en lisant cela que c’est ce que je faisais depuis un peu plus de sept ans en écrivant les petits textes que je publie sur mon blogue. Il faut dire que j’en étais déjà conscient mais que cette citation est venue en quelque sorte confirmer et me conforter dans les objectifs que je m’étais fixés au départ. Je voulais créer des liens entre ce que j’ai vécu, ce que j’en suis venu à penser et ce que je suis devenu. Je voulais revenir sur les événements essentiels de ma vie, pas du point de vue de ma carrière ou de ce que je pourrais appeler ma vie publique, mais comme le dit si bien François Cheng, pour retracer l’itinéraire de mon âme.

Mon blogue n’est pas uniquement une quête mystique faite introspections à n’en plus finir et de profondes réflexions. Il y a bien sûr des textes à saveur un peu philosophique, mais il y a aussi des souvenirs d’enfance et de jeunesse, des récits anecdotiques écrits sur un ton humoristique et léger, des textes sur des enjeux sociaux et politiques, des pensées qui me sont venues à la suite de la lecture d’une livre ou des émotions liées à un poème, une chanson, un film ou à de la musique. Il y a aussi des histoires que j’ai inventées. En bout de ligne, malgré la diversité de ton et de contenu de mes textes, je crois pouvoir dire que la trame derrière tout cela, c’est le parcours de mon âme.

Plusieurs personnages publics, politiciens, chefs d’entreprises, syndicalistes, publient leurs mémoires. Ils nous racontent leur vie pour mieux nous parler des événements qui se sont produits dans la sphère publique, pour mieux les situer dans leur contexte et pour nous parler de l’interaction entre les acteurs et de tout ce qui se cache derrière les décisions qui ont été prises, des erreurs qui ont été commises, etc. Ces ouvrages sont très intéressants, mais ils ne révèlent souvent que très peu de choses sur l'âme de leurs auteurs. Pour parler de son âme, il faut accepter d'exposer ses faiblesses et sa vulnérabilité.

Les moments marquants du parcours de notre âme sont souvent des choses en apparence anodines : des conversations qu’on a eues avec des personnes qui nous ont révélé une dimension inconnue de nous-même, la lecture d’un livre qui nous a aidé à mieux comprendre certaines réalités du monde et de la vie, des reportages en ligne ou à la télévision, des faits divers qui ont remis en question et bouleversé nos certitudes et notre façon de penser et de voir les choses. Et il y a pour moi des expériences que j’ai vécues seul : des moments de noirceur et de désespoir suivis de moments lumineux où, comme le décrivait Leonard Cohen au cours d’une entrevue, je me suis senti habiter par une présence, ou comme l’écrivait Rimbaud dans un poème qu’il a écrit quand il était adolescent, j’ai senti pendant quelques instants l’Amour infini me monter dans l’âme.

François Cheng a écrit qu’ « il est essentiel de retracer, pour soi ou en le partageant, l’itinéraire se son âme, qui est notre vraie vie. » Je crois que le fait de faire l'effort pour se souvenir et pour revivre tout cela vaut la peine. Ça nous aide à donner un sens et une direction à ce que nous avons vécu et à ce que nous sommes devenus…et ça nous ramène à l’essentiel.

J’ajouterais pour finir que je considère que j’ai de la chance d’avoir trouvé en vous qui me lisez des personnes avec qui je peux partager l’itinéraire de mon âme.