Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Faut-il toujours dire la vérité ?

Je me souviens, il y a de cela à peu près vingt-cinq ans, mon meilleur ami et moi louions chacun un appartement dans un édifice situé en face du Parc de la Gatineau. À moins de vingt minutes du centre-ville d’Ottawa, nous n’avions qu’à traverser la rue pour nous retrouver devant un réseau de plus de 200 kilomètres de sentiers de ski de fond balisés et tracés à la machine. Le ski de fond était notre passion. Nous en parlions même en été. Nous passions des heures à préparer nos skis pour qu'ils soient plus rapides. Pour améliorer nos techniques, nous regardions des vidéocassettes que j’avais enregistrées des compétitions qui avaient eu lieu aux Jeux olympiques d'hiver de Calgary en 1988 et d’Albertville en 1992.

 

Cet hiver-là, il avait beaucoup neigé et la saison s’est prolongée jusqu’en avril. C'était une journée magnifique pour le ski de printemps. Le ciel était bleu et il devait faire autour de 140 C. Mon ami Gérald venait de subir une opération au genou et il ne pouvait pas skier. Quand il m’a regardé partir, je pouvais voir la tristesse dans ses yeux. J’ai parcouru une vingtaine de kilomètres comme si je skiais sur un nuage. À mon retour, Gérald m’a demandé comment étaient les conditions. Je lui ai menti en lui disant que les sentiers n’avaient pas été tracés et que j’enfonçais jusqu’aux genoux dans la neige mouillée et beaucoup trop molle. Je lui ai aussi dit qu’il y avait plein de feuilles mortes qui collaient à la semelle de mes skis. Il a eu l’air soulagé. Quelques années plus tard, je lui ai avoué que les conditions étaient parfaites et que je lui avais menti. Il m’a remercié. Ceci est pour moi l’exemple d’une des rares situations où il est préférable de mentir plutôt que de dire la vérité.

 

Quelquefois, on dit des choses qui sont vraies mais qu’on n’aurait pas besoin de dire. Maria et moi avons un couple d’amis qui vont bientôt se marier. Lui vient d’avoir quarante et elle, elle en a plus de soixante. Un soir, alors que nous étions en train de partager un repas avec nos amis. Maria leur a dit avait qu’elle avait entendu quelqu’un dire à la télé que le pourcentage d’échecs des couples avec une telle différence d’âge était d’environ 70 %. J’ai eu la présence d’esprit de parler de Macron et de son épouse qui avaient l’air très heureux. Quand nous sommes rentrés à la maison, j’ai demandé à Maria pourquoi elle avait dit ça. Elle m’a répondu qu’elle avait parlé sans réfléchir et qu’elle regrettait ce commentaire qui ne servait qu’à augmenter l’inquiétude qui existait probablement déjà chez nos amis par rapport à leur différence d’âges. Cet exemple illustre la véracité de l’adage populaire qui dit que « toute vérité n’est pas toujours bonne à dire. »

 

Nous avons tous parmi notre famille et nos amis celui ou celle dont c’est la marque de commerce de toujours dire  la vérité et qui ne se gêne pas pour nous signaler que nous avons grossi ou trop maigri, que nos cheveux sont plus gris et clairsemés, que nous sommes plus ridés et que avons pris un coup de vieux. Et nous, on doit sourire et faire comme si ces commentaires ne nous touchaient pas pour la simple raison qu’ils viennent de personnes qui nous ont habitués à croire que c'est parce qu'elles sont tellement honnêtes et spontanées qu’elles ne peuvent s’empêcher de les faire. Et si ces personnes s’étaient forgé une telle personnalité dans le seul but de se donner le droit et la liberté de faire impunément ce genre de commentaires qui, avouons-le, ne nous aident pas à mieux nous sentir ?

 

Est-ce que je suis en train de dire qu’on doit mentir ou éviter de dire certaines vérités pour protéger la sensibilité des gens autour de nous ? Dans certains cas, oui, mais pas toujours. Si, par exemple, quelqu’un parmi notre famille ou nos amis est en train de faire des erreurs qui pourraient s’avérer néfastes et coûteuse, je crois que nous devons lui dire la vérité même si ça lui est pénible et désagréable de l’entendre. Dans des cas comme ça, on se sent mal d’avoir dit la vérité parce qu’on a ébranlé et peut-être même blessé quelqu’un, mais on se sentirait beaucoup plus mal et coupable de n’avoir rien dit.

 

Comment est-ce qu’on peut faire la part des choses lorsqu’on choisit de mentir ou lorsqu'on estime qu'il est préférable de dire ou de ne pas dire quelque chose qui est vrai ? Je crois que tout est dans l’intention et la motivation. Quand nos intentions sont motivées par l’amour et l’empathie, on se trompe rarement. 



12/07/2018
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