Changements climatiques et plastique dans les océans
Nous les avons rencontrés dans un hôtel de Fort-Lauderdale, en Floride, un peu avant le début de la pandémie. C’était un couple de retraités de la Virginie-Occidentale. Ils allaient s’embarquer pour une croisière en Amérique du sud le lendemain. Ils avaient tous les deux dans le regard une grande douceur et leurs yeux reflétaient la candeur et la pureté de leur âme. Je ne sais pas jusqu’à quel point ça correspondait à la réalité mais c’est un peu comme ça que je les ai perçus. Ils étaient chrétiens évangéliques. Lui nous a parlé de sa foi qu’il voulait partager tandis que sa femme souriait en écoutant son mari nous parler de Jésus.
Je ne me souviens pas comment nous en sommes arrivés là mais la conversation a bifurqué sur les changements climatiques. Il nous a dit que lui, personnellement, il n’y croyait pas ; ou que si c’était réel, ça n’avait rien à voir avec l’activité humaine. C’est ce que leur avait affirmé Trump à la télévision et dans ses tweets, de même que le candidat républicain pour lequel ils avaient voté aux élections présidentielles de 2016 dans ses discours et ses publicités télévisées. C’est également ce que leur avait prêché le pasteur de leur église évangélique. La seule concession que notre homme a pu faire, du bout des lèvres, aux mouvements écologiques, qu’il associait au communisme et à l’extrême-gauche, était qu’il y avait trop de plastique dans les océans.
Depuis les années 1970, les scientifiques en climatologie et en environnement nous parlent de la relation entre l’activité humaine et les changements climatiques. Ils n’ont pas de boule de cristal, mais en mesurant la quantité de CO2 dans l’atmosphère, ils peuvent dire qu’en fonction du taux d’augmentation de ces particules, la température augmentera de tant ou tant de degrés dans telle ou telle région du globe. Ils peuvent aussi prédire, sans boule de cristal, les effets qu’auront une augmentation de un ou de deux degrés en termes de vagues de chaleur, inondations, ouragans et autres cataclysmes naturels en précisant quelles régions seront les plus touchées. Ils nous disent aussi, mais de moins en moins parce que les choses sont allées trop loin, que tout cela est réversible et qu’il y a des choses à faire. On se souviendra qu’au début de la pandémie quand certains secteurs les plus polluants de l’activité économique ont été touchés, l’épais nuage de smog qui entourait certaines grandes villes avait commencé à se dissiper. Nous savons aussi que les populations les plus touchées par les changements climatiques sont celles qui produisent le moins de pollution. Ça devrait éveiller nos consciences. Et pourtant, plusieurs ne prennent pas au sérieux ces scientifiques ou préfèrent ne pas les écouter. Pourquoi ?
Je crois que pour plusieurs politiciens comme Trump aux États-Unis et Poilièvre au Canada, c’est avant tout par intérêt à court terme et par opportunisme. Ils savent qu’en abreuvant de mensonges ceux et celles qui les écoutent, ils pourront les convaincre de leur donner ou de leur redonner le pouvoir dont ils sont tellement assoiffés. Ils savent aussi que le refus d'admettre que les changements climatiques sont provoqués par les humains est une bonne carte à jouer.
Pour ce qui est des leaders religieux, prêcheurs et télévangélistes, il y a pour plusieurs ce désir de continuer à traire la vache à lait qui les a si bien nourris par le passé. Pour d’autres, il y a cette conviction, quelquefois sincère, que plus il y aura de cataclysmes naturels et de guerres, plus vite Jésus reviendra. Même s'ils sont sincères, je trouve ce calcul diabolique.
Pour plusieurs baby-boomers de ma génération, surtout s’ils n’ont pas d’enfants et de petits-enfants, il y a la mentalité Après moi, le déluge. Ils se disent que même si la température augmente un peu à chaque année, s’ils peuvent tenir le coup pendant les quelques années qu’il leur reste à vivre et sauver leur cul in extremis, tant pis pour les autres.
Et pour une grande majorité de la population, comme moi, il y a ce désir sincère de sauver la planète mais pas à n’importe quel prix. Pour que les humains puissent continuer à vivre sur cette planète quand nous n’y serons plus, même si ça veut dire vivre autrement, nous sommes prêts à sacrifier des choses et à faire notre part, mais nous ne sommes pas prêts à tout sacrifier, et n’importe comment, seulement pour nous donner bonne conscience. Nous savons que pour que ça donne des résultats, ça prendrait un effort concerté de tous les gouvernements, d’importants développements technologiques, des politiques contraignantes et très strictes à l’échelle mondiale, peu importe le mécontentement et l’opposition que cela provoquerait inévitablement dans la population, y compris chez ceux qui se disent maintenant les plus grands défenseurs de la planète.[1]
On entend souvent dire que tous les changements importants commencent dans le cœur des hommes et des femmes de bonne volonté qui ont le désir sincère de faire une différence. C’est vrai mais je crois que dans ce cas-ci, peu importe la bonne volonté de personnes isolées et sans pouvoir d’agir efficacement, tout cela restera des vœux pieux. Tant et aussi longtemps que ceux et celles qui sont au pouvoir et qui ont les moyens de vraiment changer les choses ne s’engageront pas à le faire ensemble et de façon concrète et réaliste, nous ne pourrons qu’assister, impuissants, à la destruction de notre planète.
Pour revenir au couple de retraités que nous avons rencontré en Floride, je crois qu’ils ont su garder du christianisme ce qu’il y a de meilleur : ce qui parle tendrement mais fermement à l’âme et à la conscience. Ça se voit dans leur regard et ce qui se dégage de leur personne. Malheureusement, il y a aussi dans leurs discours des éléments de ce christianisme revu et corrigé par les intérêts, la politique, les préjugés et l'intolérance qui existe depuis le début.
[1] Imaginez les jeunes qui parlent de sauver la planète à qui on dirait que l’usage de leurs téléphones intelligents et de leurs tablettes doit être limité ou interdit parce que ça crée de la pollution qui contribue aux changements climatiques.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 6 autres membres