Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Ces personnes lumineuses que nous rencontrons quelquefois

Il y a de cela plus de quarante ans, je ne me souviens pas très bien si c’était à la télé ou à la radio. J’ai entendu quelque chose que je n’ai jamais oublié. Un journaliste ou écrivain français, qui de son propre aveu n’était guère porté sur la religion et la spiritualité, était allé rencontrer, un peu avant que celle-ci ne décède, une religieuse qui avait la réputation d’être une sainte. Il a fait ce commentaire étonnant au sujet de cette femme avec qui il n’avait passé que quelques heures : « Elle n’était pas encombrée d’elle-même. » Et il a ajouté : « La transparence qu’elle avait était comme une obligation de transparence pour les autres. »

 

Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? J’y ai longtemps réfléchi en me demandant, d’une part, ce que de telles personnes pouvaient bien avoir en commun et si, d’autre part, j’en avais déjà rencontrées. Voici où m’a conduit ma réflexion. Nous avons tous, comme des pelures d’oignons, plusieurs dimensions de ce qui constitue notre identité : sexe, âge, race, apparence physique, nationalité, langue maternelle, culture, croyances, orientation sexuelle, opinions politiques, scolarité, intérêts, etc. La plupart des personnes que nous rencontrons et avec qui nous échangeons s’adressent à l’une ou à l’autre, mais aussi à plusieurs en même temps, de ces différentes facettes de ce que nous sommes. Nous sommes alors très conscients d’être un Québécois face à un Français, un libéral face à un conservateur, un anglophone vis-à-vis d’un anglophone ou un hétérosexuel en présence d’un homosexuel, etc. Il n’y a pas nécessairement de conflit, mais on sent toujours que la différence est là, et qu’elle oriente une grande partie de nos propos.

 

Ce qu’ont en commun ces personnes que je qualifierais de lumineuses est qu’elles nous transportent dans une dimension qui se situe au-delà de ce qui a l’habitude de nous définir. Quand on est en leur présence, il se produit quelque chose qui fait en sorte que les caractéristiques que nous utilisons normalement pour nous décrire n’ont plus vraiment d’importance. On entre alors en contact avec ce que j'appellerais notre identité profonde. Ces personnes qui « ne sont pas encombrées d’elles-mêmes » exercent sans doute sur nous une influence positive qui nous permet de nous voir autrement. 

 

Pour ce qui est de cette « obligation de transparence », je crois que ça veut tout simplement dire que devant quelqu’un qui ne nous raconte pas d’histoires, on n’a pas le goût de faire le fanfaron et de dire qu’on est brave quand on ne l’est pas, ou de proclamer qu’on sait tout quand on sait très bien qu’on ne connaît pas grand-chose.

 

Est-ce que j’ai déjà personnellement rencontré de telles personnes ? Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai rencontré des personnes qui ont été pour moi des personnes lumineuses à certains moments de ma vie et de leurs vies. Ce n’étaient pas des sages ou des saints, mais des personnes ordinaires, qui dans ce que je pourrais appeler des moments de grâce, ont pu me faire voir et sentir qu’au-delà des apparences et de tout ce qui semblait nous diviser, il y avait quelque chose de mystérieux et de plus profond qui nous unissait.

 

 



28/02/2018
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