Les rêveries du retraité solitaire

Quand je vais faire du ski de fond à partir du Relais Plein air, je rencontre souvent des jeunes de l’École secondaire Mont-Bleu. Ils font du ski en fond en groupe avec l’école, ils  marchent ou ils jouent au ballon. Ils sont d’origines ethniques variées : haïtiens, magrébins, asiatiques, africains. Quelques-uns me saluent « Bonjour Monsieur ! » Je leur réponds et j’échange quelques mots avec eux. J’ai toujours eu des contacts très positifs avec ces jeunes. Hier, j’ai eu une expérience très différente.

Quand Maria et moi sommes revenus au Parking après avoir fini notre randonnée en ski, il y avait un groupe de six ou sept jeunes qui jouaient au ballon. Ils avaient l’air d’être tous de la même origine magrébine ou arabe. L’un d’entre eux, je crois pour me provoquer ou me narguer, s’adresse à moi en parodiant l’accent et la façon de parler traditionnelle des Québécois : « Y fa fret en maudit, là ! » Il y a dans ses yeux de la haine et dans sa voix beaucoup de mépris. J’ai senti qu’en disant cela il voulait marquer une distance entre moi et lui, et qu’il voulait me signifier que ses amis et lui avaient choisi de ne pas faire partie de notre société pour laquelle ils n’avaient aucun respect et aucune affinités.

Pendant que j’enlevais mes bottes et que je mettais nos skis dans la voiture, les ados ont continué à jouer au ballon. En l’espace de seulement quelques minutes, je ne sais pas combien de fois je les ai entendus prononcer le mot « marocain ». C’est comme si c’était important pour eux d’affirmer que leur identité était différente de la nôtre. L’un d’entre eux, probablement le même qui s’était moqué de notre accent, a dit sans aucun contexte ou préambule, mais assez fort pour que tout le monde autour de lui puisse l'entendre: « Et les Juifs avec leur ridicules kirppas, ils me font chier. »

Cet incident m’a laissé avec un goût amer. J’ai pensé aux banlieues des grandes villes de France, d’Angleterre ou de Belgique où ceux et celles qui ne sont pas arabes ou musulmans n’osent pas s’aventurer. Je me suis demandé d’où venaient ce mépris et cette haine, si cet incident était un cas isolé ou si c’est quelque chose qui va se généraliser avec la nouvelle génération. Est-ce que l'attitude de ces jeunes leur vient de ce qu'ils ont vu et entendu en ligne ? Par qui ont-ils été influencés ? À quelle école ont-ils appris à penser comme ça ? Sommes-nous en train de devenir une société fragmentée par la haine et les divisions ou allons-nous continuer à être une société où malgré nos différences ethniques et culturelles nous pouvons nous respecter et nous entendre en partageant des valeurs communes comme la compassion et la tolérance ?

J’ai toujours eu de bonnes relations avec les magrébins que j’ai rencontrés au cours de ma vie. C'étaient des gens gentils avec une grande sensibilité et un esprit ouvert. Je ne sais pas trop ce que ces jeunes ont dans la tête et dans le cœur mais ils sont très différents.

https://www.youtube.com/watch?v=Wb7TzCWB4Vc