Les rêveries du retraité solitaire

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5-L'avenir du français au Canada

Ça fait plus de quatre cents ans qu’on parle français au Canada. Les Français sont partis après avoir été défait par les Anglais il y a un peu plus de deux cent cinquante ans et la Confédération canadienne date de 1967. Qu’en est-il de la langue que nous parlons aujourd’hui et quel est l’avenir du français au Canada ?

 

La première chose que remarque un francophone quand il arrive au Canada d’un pays étranger, c’est l’accent. On aime ou on n’aime pas mais ça s’arrête là. Il y a ensuite le vocabulaire de la vie de tous les jours qui est quelquefois un peu différent mais on s’habitue assez vite. Ce qui est le plus déroutant, je crois, ce sont les éléments grammaticaux et toutes ces vieilles structures syntaxiques que nous avons conservés des dialectes que parlaient nos ancêtres. Ici, on dit encore « i » au lieu de « il », « a » au lieu de « elle » et « i » au lieu de « ils/elles ». On entend des choses un peu bizarres comme « Je peux tu vous aider ? et « Ça se peut tu ? » Quand un Français, un Belge ou un Sénégalais débarque ici, j’imagine qu’il a un peu la même impression que j’ai eu quand j’ai entendu pour la première fois le français parlé par les Cajuns de la Louisiane.

 

C’est vrai que la plupart des francophones du Canada peuvent comprendre le français parlé ailleurs parce que le cinéma, la télévision et le contact avec des étrangers nous ont habitués à différentes façons de parler. C’est vrai aussi que la plupart des francophones canadiens peuvent utiliser un français plus international dans des situations formelles ou quand ils sont à l’étranger. La plupart mais pas tous.

 

Les niveaux de langue et les régionalismes existent dans toutes les langues. L’anglais parlé à Toronto n’est pas le même que celui parlé à Londres et à Glasgow. Il y a des pays d’Amérique latine qui ont leur propre académie pour régir leur façon de parler l’espagnol. Quand les colons néerlandais qui se sont établis en Afrique du Sud à peu près à la même époque que les Français sont venue en Amérique du Nord se sont rendus compte que la langue qu’ils parlaient n’était plus la même que celle parlée aux Pays-Bas, ils lui ont donné un autre nom : l’afrikaner.

 

Où est-ce que je veux en venir avec tout ça ? Je crois que nous devrions en tant que nation essayer de nous entendre sur les normes que nous voulons utiliser par rapport à l’utilisation de notre langue. Je suggère qu’on commence par enseigner dans nos écoles les origines et l’évolution du français dans notre pays. On pourrait ainsi mieux voir ce qui vient des dialectes parlés en France au XVIIe et mieux faire la part des choses par rapport aux décisions que nous voulons prendre par rapport à l’avenir de notre langue.

 

Je vois trois possibilités. La première est de dire qu’on est attaché à la façon de parler de nos ancêtres et que nous voulons conserver et préserver leur héritage linguistique. On pourrait alors donner à notre langue un autre nom et l’appeler par exemple le « boréal » ou le « laurentien » et en faire notre langue nationale. On aurait aussi avoir notre propre grammaire et notre propre académie qui refléteraient notre façon de parler. La deuxième possibilité serait de moderniser notre langue en éliminant les éléments grammaticaux et les structures qui nous viennent des dialectes parlés par nos ancêtres. Ça demanderait un très gros effort, mais une fois le processus enclenché, je crois que ça irait assez vite. La troisième possibilité est le statut quo. Le français demeure  notre seule langue officielle. On continue à parler entre nous comme on a toujours parlé. On utilise un français plus normatif et international dans des circonstances plus formelles ou quand on est dans d’autres pays francophones.

 

Personnellement, je pencherais en faveur de la deuxième possibilité. Je crois que dans le contexte de la mondialisation, on aurait avantage à pouvoir communiquer plus efficacement et de façon plus spontanée avec les autres francophones de la planète. Je sais que ça ne serait pas facile, mais si les Français n’avaient pas remplacé les nombreux dialectes parlés dans leur pays au XIXe siècle par un français plus universel, la France serait très différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

 

La première possibilité serait plus difficile à appliquer et demanderait encore plus d’efforts que de faire l’indépendance. Ce que je crois qui va arriver. Rien. Il n’y aura pas de changements provoqués et concertés mais il y aura une évolution. D’une part, les nouveaux immigrants francophones vont progressivement, mais très lentement, donner un caractère plus universel à la façon de parler des jeunes Montréalais qui à leur tour influenceront le reste de la province. D’autre part, les jeunes trouveront normal que des serveurs de restaurants de Paris leur demandent de s’adresser à eux en anglais.[1] Après tout, la langue universelle des touristes partout dans le monde est l’anglais… même entre francophones.

 



[1] Ça ne date pas d’hier que des Français demandent à des francophones canadiens de leur parler anglais. Un de mes amis m’a raconté qu’il y a trente ou quarante un serveur d’un restaurant de Normandie  a demandé à sa mère de lui parler en anglais parce qu’il n’avait pas compris sa façon de prononcer le mot « pizza ». Un de mes étudiants anglophone m’a raconté qu’au cours d’un voyage d’affaires en France avec un collègue francophone, on a demandé à ce dernier d’utiliser l’anglais pour communiquer. Il faut dire que le degré de tolérance aux différences linguistiques n’est souvent pas très élevé en France, beaucoup moins que dans les pays anglophones.



31/03/2018
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