Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

1-Les dialectes et le parler du roy

Il y a quelques années, j’ai lu un très bon livre qui traitait entre autres choses de l’évolution de la langue française parlée au Canada. J’en ai malheureusement oublié le titre et l’auteur. J’en ai cependant retenu de des choses très intéressantes qui m’ont aidé à comprendre certaines réalités politiques et linguistiques actuelles. 

 

À l’époque de la colonisation, au XVIIe siècle et pendant la première partie du XVIIIe siècle, il y avait en France une vingtaine de millions d’habitants alors que l’Angleterre n’en comptait qu’à peu près six.  Avec un tel avantage numérique, pourquoi est-ce que la France a dû céder à l’Angleterre ses possessions en Amérique lors de la signature du traité de Paris en 1763 ? Selon l’auteur de ce livre, Il y aurait eu à cette époque un Français sur trois cents qui aurait émigré au Canada tandis que pour l’Angleterre la proportion aurait été de un sur six. Dans ces circonstances, la conquête de la Nouvelle-France était donc inévitable. 

 

Autre chose intéressante, les Français qui sont venus au Canada parlaient quatre dialectes. Il y avait le picard, le wallon et j’ai oublié les deux autres. Pour se comprendre entre eux, ces gens utilisaient une langue commune qu’on appelait à l’époque le parler du roy, qui était comme son nom l’indique la façon de parler du roi mais aussi des habitants de l’Île-de-France, qui n’est pas vraiment une île mais la région de Paris et autour de Paris. Les nouveaux arrivants étaient émerveillés de voir avec quelle aisance les habitants de la Nouvelle-France  communiquaient  entre eux en utilisant ce français standard de l’époque, 

 

Peu de temps après avoir lu ce livre, je suis tombé par hasard sur une grammaire du picard sur internet. J’ai constaté en regardant la conjugaison des verbes que le picard utilisait les pronoms sujets singuliers « i » au lieu de « il » et « a » au lieu de « elle » comme dans la langue parlée populaire au Canada. » Il n’y avait également pas de distinction entre le « ils » et le « elles » au pluriel, le pronom sujet « i » étant indistinctement utilisé pour le masculin et le féminin à la troisième personne du pluriel. 

 

Après la conquête, les Français sont retournés chez eux et ceux qui se considéraient comme Canadiens sont restés ici. Les Français ont fait la révolution, et après avoir coupé la tête de leur roi, ont cessé d’utiliser le parler du roy comme modèle. C’est le parler des bourgeois de Paris qui est devenu la norme. Les dialectes n’ont pas cessé d’exister pour autant. Il y avait pendant la première partie du XVIIIe siècle une minorité somme toute assez importante de Français qui non seulement ne parlait pas le français mais ne le comprenaient pas. Ce n’est qu’avec Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique dans les années 1880 que l’école en français est devenue obligatoire sur tout le territoire, et que le français s’est normalisé et est devenu la véritable langue nationale de la France.  Mais les dialectes ont la vie dure. Je me souviens qu’au cours d’un voyage à vélo en Bretagne et en Normandie à l’été 1976, j’ai fait la connaissance d’un jeune Français qui après m’avoir invité à aller manger chez lui m’a dit : « Tu vas rencontrer ma grand-mère. Elle ne parle que le patois. » 



Au Canada, la langue de l’époque, qui était probablement un mélange du parler du roy et de différents dialectes, s’est surtout transmise oralement.  Ce sont les communautés religieuses, dont plusieurs avaient  leur maison-mère en France, qui ont préservé le français écrit et normatif jusqu’à la Révolution tranquille au début des années 1960.

 



31/03/2018
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