Quand on se compare
La sagesse populaire nous dit que quand on se compare on se désole ou on se console. Il y a beaucoup de vérité dans ça. Si l’on regarde d’un côté, on voit des personnes beaucoup plus belles et intelligentes que nous, bourrées de talents que nous n’avons pas et que nous aimerions avoir, on voit des athlètes et des génies, et on voit aussi des personnes qui ont su faire preuve d’une grande générosité et d’une grande abnégation, et qui ont sacrifié leur confort et leurs vies pour défendre des causes auxquelles elles croyaient. En regardant dans cette direction, on se sent mal foutu et très médiocre.
Quand on regarde dans l’autre direction, on peut voir des enfants qui sont nés avec des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui ne peuvent pas entendre, on voit aussi des êtres humains qui sont nés avec des cœurs qui ne peuvent pas aimer et qui sont incapables d’empathie et de compassion parce que la nature les a faits comme ça. Il y a autour de nous tous ceux qui sont nés avec toutes sortes de déficiences physiques et intellectuelles qui nous font nous dire qu’après tout, on n’est peut-être pas si mal foutus qu’on le croyait ; et il y a aussi des criminels et des dépravés qui ont fait tellement de choses inhumaines et horribles qui nous font nous dire qu’après tout, on n’est peut-être pas aussi médiocre qu’on le croyait.
La nature a mis des milliards et des milliards d’années pour en arriver à faire de nous ce que nous sommes. Et puisque la nature est loin d’être parfaite, le résultat est loin d’être parfait. La nature produit quelques génies à chaque génération, quelques grands génies à chaque siècle, et des tonnes et des tonnes de cons à tous les jours. Si on a la chance de se trouver quelque part entre les deux, on peut se compter chanceux.
Est-ce que nous devons en conclure que tout est déterminé d’avance et que nous ne pouvons être heureux que si l’on se trouve du côté des chanceux, et qu’on est condamné à être malheureux si l’on se trouve du côté des malchanceux ? Je ne crois pas. Pourquoi ? Parce qu’il y a une dimension spirituelle dans l’existence qui fait qu’un gars sans jambes peut quelquefois apporter du courage et du réconfort à un gars qui n’a pas de chaussures, et qu’une mère qui a perdu son enfant dans un accident peut pardonner à celui qui lui a enlevé la vie et même prier pour lui.
Je ne sais pas d’où vient cette dimension spirituelle ni comment elle agit mais je sais qu’elle est là. Est-ce que les religions peuvent nous aider à entrer en contact avec cette réalité ? Je crois que oui, mais là encore, c’est ambivalent et pas toujours évident. La même religion qui nous dit que nous devons être « parfait comme notre père céleste est parfait », ce qui est illusoire et impossible, nous dit aussi qu’un criminel qui regrette ce qu’il a fait peut se retrouver au paradis immédiatement après sa mort. Oui, les religions peuvent aider, mais là encore, il faut en prendre et il faut en laisser. Les religions sont nées de l’intuition d’hommes et de femmes qui ont pressenti des choses subjectives qu’ils ont voulu communiquer à d’autres du mieux qu’ils ont pu. Cette intuition, plusieurs artistes l’ont, et ils peuvent nous la communiquer si on prend le temps d'écouter ceux qui ont quelque chose d'important et d'intelligent à nous dire. « Toi dont les paroles tombent lourdement vers le sol, grâce à eux tu chantes quand même la rose, grâce à eux, tu chantes quand même la colombe, et parfois tu oublies que tu es de ce monde. » chantait Gilles Dreu en parlant des poètes.
La nature a fait de moi un alcoolique, et je croyais que je n’allais être que ça pour le reste de ma vie, mais un jour j’ai entendu une petite voix au fond de mon cœur qui m’a dit que je n’allais pas passer le reste de ma vie comme ça. C’est peut-être ça la spiritualité. Ça nous fait espérer contre toute espérance, et ça finit par changer des choses dans nos vies et dans notre façon de voir la vie.
On ne finira jamais de se comparer, je crois. C’est un réflexe tellement humain qu’on ne peut pas s’empêcher de le faire. L’important, c’est de toujours regarder des deux côtés…comme avant de traverser la rue.
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