Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Phileas Fogg et Passepartout

Je devais avoir douze ou treize ans quand j’ai lu Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne. Je n’ai pas retenu grand-chose des péripéties de Phileas Fogg  au cours de son voyage autour du monde mais il y a un détail qui m’a marqué et que je n’ai pas oublié.

 

Au début du roman, le riche et excentrique millionnaire anglais cherche un nouveau valet pour l’accompagner dans son voyage. Il vient de congédier le dernier parce qu’il avait commis l’impardonnable faute d’avoir préparé l’eau de son bain à un degré de plus ou de moins que la température à laquelle il était habitué. Ça m’a profondément choqué de voir qu’on pouvait congédier quelqu’un pour aussi peu; je me suis dit que je n’aimais pas beaucoup ce Phileas Fogg. Après avoir interviewé quelques candidats, il arrête son choix sur Passepartout, un Français, qui deviendra son nouveau valet, et plus tard son ami.

 

Tout au long du récit, Passepartout commet d’innombrables erreurs qui auraient pu avoir des conséquences désastreuses et même coûter la vie des deux voyageurs. Oubliez la température de l’eau du bain ! C’est toute une série de gaffes qui s’enchaînent les unes à la suite des autres. Passepartout est un personnage un peu ignorant des règles et des conventions, et qui ne sait pas toujours comment agir et quoi dire. Je me suis souvent demandé en lisant le roman comment Phileas Fogg avait pu embaucher un tel con et pourquoi il ne l’avait jamais congédié.

 

Après avoir fini le livre, je me souviens d’avoir longuement réfléchi. Je me suis dit que j’étais jeune, que j’avais toute la vie devant moi, et que je venais d’apprendre une importante leçon. Ce que je venais d’apprendre, c’est que dans la vie j’allais rencontrer des personnes qui allaient me pardonner beaucoup de choses et d’autres qui ne me pardonneraient aucune de mes erreurs, et que c’était la même chose pour tout le monde. Qu’est-ce qui fait la différence ? C’est la question que je me suis posée et que je me pose encore aujourd’hui.

 

Ce qu’il y a d’intéressant dans le livre, c’est que l’auteur ne nous donne aucune explication. L’attitude totalement différente du maître envers ses deux valets nous est présentée comme quelque chose de tout à fait naturel, quelque chose qui va de soi. J’ai pu constater au cours de ma vie personnelle, et en observant les gens autour de moi, jusqu’à quel point ce que j’avais appris était vrai. D’une part, je crois qu’il est normal que lorsqu’on développe de la sympathie pour une personne et qu’on apprend  à mieux la connaître, on soit plus enclin à lui pardonner ses erreurs. D’autre part, j’ai rencontré des fraudeurs qui avaient la parole facile et une gueule sympathie, et qui ont réussi à se faire pardonner beaucoup de choses. Ils en ont même fait une carrière. J’ai vu aussi des pauvres diables, très sincères dans leurs regrets, à qui on n’avait jamais pardonné la seule erreur qu’ils avaient commise dans toute leur vie.

 

Quand on est jeune, la littérature nous enseigne des choses qu’on n’apprend vraiment que beaucoup plus tard. Elle nous apprend à observer et à chercher à comprendre.

 

 

 



08/01/2018
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