Hermano
Hier soir, Maria et moi sommes allés à une petite fête chez des amis qui viennent d'emménager dans leur nouvelle maison. Plusieurs invités étaient originaires des Philippines. Les filipinos et les filipinas sont des gens qui adorent rire, s’amuser et danser. Ce sont aussi des gens qui sont pour la plupart très croyants. Nous étions un petit groupe qui s'était rassemblé au sous-sol de la grande maison pour danser. Au milieu de la soirée, après avoir dansé la bachata, le cha-cha-cha et le merengue, une femme qui vient d’être opérée pour un cancer du sein s’est mise à parler de comment Dieu l’a aidé à traverser cette épreuve. La plupart des personnes qui étaient là sont des charismatiques qui vont à la même église catholique située pas loin de chez nous sur le chemin Montréal. Chacun y est allé de son témoignage.
Un couple a raconté comment leur enfant avait été miraculeusement guéri d’une maladie incurable. Une femme, celle-là même qui a été opérée pour un cancer du sein, nous a raconté qu’un jour qu’elle se rendait à l’église avec sept autres femmes qui faisaient partie de la chorale, les freins de sa voiture ont subitement cessé de fonctionner. Les choristes se sont alors mises à réciter le chapelet et tous les feux de circulation sur le chemin Montréal sont restés verts jusqu’à leur arrivée à l’église. Nous avons pris le chemin Montréal pour rentrer chez nous après la soirée. Les nombreux feux de circulation étaient verts sur une distance d’environ un kilomètre. S’il n’a pas de circulation sur les rues transversales et que les détecteurs ne sont pas activés, les feux circulation ne passent habituellement pas au rouge.
Ceci m’a amené à réfléchir à ce qu’on entend généralement par miracle. Selon le dictionnaire Larousse, au sens propre, un miracle est un « phénomène interprété comme une intervention divine » ; au sens figuré, un miracle est défini de la façon suivante : « fait, résultat étonnant, extraordinaire, qui suscite l’admiration. » À partir de cela, nous pourrions dire qu’un vrai miracle, c’est quelque chose que les lois de la nature ne peuvent pas expliquer, et que le mot miracle dans le sens que nous l’utilisons très souvent, c’est quelque chose d’extraordinaire mais qui ne va pas au-delà des lois de la nature.
Quelqu’un qui n’aurait pas de cordes vocales et qui se mettrait soudainement à parler, ce serait un miracle au sens propre du mot ; quelqu’un qui aurait perdu l’usage de la parole à la suite d’un traumatisme et se qui remettrait à parler à la suite d’une thérapie, ce serait ce qu’on appelle un miracle mais au sens figuré. On parle souvent des miracles de la médecine et de la science modernes parce qu’on est émerveillé de ce qu’elles ont pu accomplir : irradiation de la lèpre, de la polio et de plusieurs autres maladies, remplacement d’organes, opérations à cœur ouvert, internet, etc.
Est-ce qu’il y a déjà eu de véritables miracles ? Franchement, je ne sais pas. Pour plusieurs, l’existence de phénomènes qui ne s’expliquent que par une intervention divine est essentielle parce qu’elle est à la base de leur foi et de leur croyance. En fait, pour eux, tout repose sur ça. S’il n’y avait pas ça, il n’y aurait plus rien. Sans les miracles, l’existence des humains et leur destinée dans cet immense et étrange univers n’auraient pour eux plus aucun sens.
Si l’on croit qu’il y a quelquefois déjà eu de véritables miracle, on est obligé de s’expliquer pourquoi d’autres fois, dans d’autres circonstances, il n’y en a pas eu alors qu’il aurait logiquement dû y en avoir. Je pense, entres plusieurs autres choses, à cette fillette de six ans à qui des narcotrafiquants mexicains ont coupé les bras et les jambes sous les yeux de ses parents pour les punir de leur avoir volé de l’argent ou da la drogue. Il me semble que si Dieu avait choisi d’intervenir en faisant des miracles, il l’aurait fait à ce moment-là au lieu de faire pleurer des statues de plâtre dans des églises ou de faire fleurir des rosiers en janvier.
Simone Weil est une philosophe française qui s’est convertie au catholicisme à la suite d’expériences mystiques. Elle a écrit : « Dieu ne peut être présent dans la création que sous forme d’absence. » Elle a écrit aussi : « La religion en tant que source de consolation est un obstacle à la véritable foi : en ce sens, l'athéisme est une purification. Je dois être athée avec la partie de moi-même qui n'est pas faite pour Dieu. »
J’ai cru pendant plusieurs années qu’un miracle allait me soulager de la douleur que j’ai depuis toujours dans les yeux. Je sais maintenant que cette douleur est causée par une malformation du globe oculaire et qu’il n’y a rien à faire. Ce n’est pas un mal d’origine psychosomatique. Je sais qu’il n’y aura pas de miracle au sens propre du mot, mais j’espère que pour tous ceux et celles qui sont nés et qui naîtront après moi avec ce problème, il y aura un miracle de la médecine…
Un peu avant la fin de la soirée, un couple est parti en douceur avant les autres. J’étais là avec Antonio quand ils sont partis. Antonio, c’est l’hôte qui nous a accueillis dans sa nouvelle maison. Antonio a 84 ans et il est originaire de Madrid. Il a été un partisan de Franco et un anti-communiste. Il est marié à un filipina beaucoup plus jeune que lui. Je ne connais pas le nom de son ami parce qu’Antonio l’appelle toujours hermano, frère. Son ami doit avoir lui aussi un peu plus de 80 ans. Il a été militant communiste dans son pays d’origine, le Salvador.
Au momemt de partir, Antonio a serré son ami très fort dans ses bras et lui a dit quelque chose en espagnol que je n’ai pas compris. Ils se sont regardés dans les yeux pendant quelques secondes et j’ai vu qu’il y avait au-delà de leurs différences quelque chose de très beau et de très profond qui les unissait. Ça aussi, c’est un miracle, le miracle de l’Amour.
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