Les fleurs du soleil
Les fleurs du soleil, c’est le titre d’un film italien de 1970 réalisé par Vittorio De Sica avec Marcello Mastroianni et Sophia Loren. Il raconte l’histoire d’un couple de jeunes mariés séparé par la guerre. Antonio et Giovanna se rencontrent et se marient. Ils vivent quatorze jours d’un bonheur parfait. Puis il y a la guerre. Antonio ne veut pas y aller et se fait passer pour fou, mais sa ruse échoue et il est envoyé sur le front russe où il disparaît. Giovanna ne croit pas à sa mort, et une fois la guerre finie, part en Union Soviétique pour le retrouver. Elle le retrouve amnésique, marié à une Soviétique.
Je me souviens que quand je l’ai vu alors que j’avais dix-huit ou dix-neuf ans, ce film m’avait beaucoup bouleversé. Si je le revoyais aujourd’hui, je le trouverais probablement un peu trop mélodramatique et tiré par les cheveux. J’avais à l’époque cette idée romantique assez répandue que le destin mettait sur notre chemin celui ou celle qui deviendrait l’amour de notre vie. J’avais entendu des réflexions comme : « Quand tu vas le/la rencontrer, tu vas savoir que c’est lui/elle. » Je crois que cela vient du fait que cette rencontre de l’âme sœur nous apparaît tellement importante qu’on se dit qu’elle ne pouvait pas être laissée au hasard. On veut lui donner une dimension surnaturelle et un caractère un peu magique.
C’est un peu le même raisonnement qui fait dire à certains chrétiens évangéliques que leur conversion n’est pas uniquement le résultat d’un libre choix et d’une adhésion intellectuelle à une doctrine, mais qu’ils étaient destinés de toute éternité à être sauvés alors que d’autres étaient destinés à être damnés. C’est ce qu’ils appellent la prédestination.
Ce film m’a bouleversé parce que je voyais comment la guerre pouvait venir détruire le bonheur que le destin avait préparé pour un couple d’amoureux. Il y avait aussi l’émotion de voir la volonté désespérée et l’obstination de cette jeune femme qui part à la recherche de son bonheur perdu à travers les steppes immenses de la Sibérie. J’ai eu par la suite de nombreux exemples de cette dure réalité. Ma sœur qui a perdu son mari dans un accident de voiture alors qu’elle était enceinte de huit mois et mère d’un enfant qui avait à peine quinze mois, les amoureux de Sarajevo, l’un Croate et l’autre Serbe, enlacés dans une dernière étreinte, victimes de la guerre qui a ravagé leur pays au début des années 1990. Il y a eu tous ces conflits et toutes ces guerres qui ont séparé tant d’amoureux au cours des siècles. Est-ce que cela fait aussi partie du destin ?
Pour moi, paradoxalement, s’il n’y avait pas eu cette autre guerre dans un lointain pays d’Asie, je n’aurais jamais rencontré l’amour de ma vie. Je ne peux pas prétendre que c’est le destin qui a fait en sorte qu’il y ait eu cette guerre pour que je puisse rencontrer la femme avec qui je vis maintenant. Ce serait, non seulement absurde, mais très égoïste de le penser. Il y a seulement une série de circonstances et de décisions qui font que des chemins se croisent, que des personnes se rencontrent et que naisse l’amour. Une grande partie de tout ça est l’effet du hasard. Le reste est le fruit du désir et de la volonté de vivre ensemble, et de la décision de faire tout ce qui est en son possible pour être heureux tout en étant conscients que les guerres, les maladies, les accidents de la route, les catastrophes naturelles et les attentats terroristes peuvent mettre fin à ce bonheur sans qu’on ne puisse rien y changer.
Pourquoi le titre de ce film ? Quand la femme retrouve son marie en Union Soviétique il vit dans une ferme entouré d’un grand champ de tournesols gentiment bercés par le vent sous le soleil bleu de l’été. C’est la dernière image qu’on emporte avec nous après voir vu le film, une image sereine et paisible qui contraste avec la triste histoire qu’on vient de nous raconter.
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