Les rêveries du retraité solitaire

Il s’appelle José. Il est Haïtien. Il est responsable de la location des vélos au Melia Punta Cana. Je ne sais pas quand et dans quelles circonstances il a quitté Haïti pour venir s’établir en République dominicaine. Nous n’avons pas parlé de ça. Nous avons parlé de la situation en Haïti, de la violence des gangs de rue qui font la pluie et le beau temps un peu partout dans le pays mais surtout dans les villes, en particulier dans la capitale, Port-au-Prince. Il m’a parlé de la misère et de la pauvreté, de la vie qui est très difficile dans son pays d’origine. Selon lui, la source des problèmes que connaît son pays est le manque d'unité et les divisions qui existent dans la population.

José m'a décrit un peu les conflits entre les immigrants et réfugiés haïtiens et la population locale en République dominicaine, les tensions et la discrimination qui ne sont pas apparrentes à l'intérieur du resort mais qui sont omniprésentes dans dans la vie de tous les jours.

José m’a dit qu’il aimait beaucoup lire. Nous avons parlé de Danny Lafrenière, cet écrivain québécois d’origine haïtienne, le seul Canadien à jamais faire partie de l’Académie française. Nous avons aussi parlé de Léopold Senghor, le premier président de la république du Sénégal qui était aussi un poète. Et nous avons parlé de la vie en général, de ce qui est important pour nous, de ce qui nous rend heureux ou malheureux. José m’a dit qu’il vivait seul en République dominicaine. Il n'a pas l'air malheureux. Il a un regard franc et généreux et il y a toujours comme une petite lumière qui brille au fond de ses yeux. José rit de bon cœur et quand il rit, c’est comme s’il oubliait tout le reste.

José aime beaucoup parler. Il s’exprime avec emphase et aime citer des auteurs pour illustrer ses propos. Le fait qu’il ait glissé un extrait d’un des Psaumes de David dans une de nos conversations m’a fait croire qu’il était croyant et que sa foi est importante dans sa vie. Nous n’avons pas parlé explicitement de ça mais c’est ce que j’ai cru deviner en l’écoutant parler. Dans sa façon de penser et de parler José est un philosophe. 

Un autre employé de l'hôtel, un Dominicain qui conduit un des véhicules qui transportent les visiteurs d’un bout à l’autre du resort, m’a dit en espagnol que José lui avait parlé de moi. Il lui a dit qu’il s’était fait un ami et qu’il avait beaucoup apprécié nos conversations.

Je n’ai pas revu José avant de quitter l’hôtel. Il était en congé le jour où nous sommes partis. Nous avions parlé de devenir amis sur Facebook. Je crois que je vais écrire à l’hôtel pour essayer d’entrer en contact avec lui et voir comment je pourrais lui envoyer des livres en français qui sont très difficiles à trouver en République dominicaine.