Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

La famille et l'identité

Quand je parle de la famille, je ne parle pas de notre ADN et de notre héritage génétique mais plutôt des coutumes, des valeurs et des traditions, des façons de parler, de penser et de faire les choses qui ont façonné une grande partie de ce que nous sommes.

 

Dans le Québec d’autrefois, dans les villages et les petites villes, mais aussi dans les grandes villes où on habitait des paroisses ou des quartiers, la famille était au cœur de notre identité. Il y avait des familles où on votait rouge ou bleu de génération en génération. Il y avait des familles où les hommes buvaient de la bière Molson plutôt que de la Labatt ou de la Dow (pour ceux qui s’en souviennent). Dans certaines familles, on achetait uniquement des voitures GM, dans d’autres c’étaient des produits Chrysler ou Ford. Chez nous, on mettait la nourriture dans les assiettes avant de les déposer sur la table. Ailleurs, on mettait les plats au milieu de la table et chacun se servait. A part ces différences, à peu près tout le monde était catholique et partisan du Canadien.

 

Il y avait les notables qui étaient plus raffinée et instruits, qui savaient comment tenir un verre de vin et quelle fourchette utiliser dans les rares occasions où il y en avait plus d’une. Il y avait aussi les familles d’ouvriers, en général moins raffinées, mais là encore il y avait des différences. Il fallait connaître les familles pour savoir où elles se situaient dans l’échelle sociale. Il y avait des familles d’ouvriers où l’on connaissait mieux l’étiquette et la bienséance que dans certaines familles de notables parvenus.

 

Chaque famille avait ses histoires et ses traditions, ses héros et ses moutons noirs, ses excentriques, ses alcooliques et ses neurasthéniques. C’est dans ce contexte-là que nous sommes nés. Des spécialistes disent que l’ordre dans lequel on naît a une influence sur notre psychologie et notre développement. Je suis le premier-né de notre famille. Est-ce que j’aurais été différent si j’avais été le deuxième, celui du milieu ou le dernier ? Je ne sais pas. Toujours est-il qu’au niveau de la cellule familiale, pas la famille au sens large, nous avons créé notre propre histoire avec ce que nous avons vécu de positif et de négatif, avec les liens que nous avons créés entre nous et les souvenirs que nous avons gardés de tout ça.

 

Après avoir vécu ensemble notre enfance et notre adolescence, nous sommes partis chacun de notre côté pour vivre notre vie avec un conjoint ou une conjointe qui venait d’une autre famille avec une histoire différente. C’est alors que l’identité familiale que nous avions en commun a commencé à s’effriter et à se fondre dans d’autres identités pour en former de nouvelles. Il y a aussi les carrières que nous avons choisies, les personnes que nous avons rencontrées, les influences que nous avons subies et les expériences que nous avons vécues qui ont contribué à faire de nous les personnes que nous sommes devenues.

 

Si vous avez lu quelques-uns des articles de mon blogue, vous avez sans doute constaté qu’à travers mes petites histoires et mes réflexions, c’est un peu comme si je refaisais le chemin à l’envers. Je retourne où je suis allé pour mieux comprendre d’où je viens et ce qui m’a amené à être ce que je suis. Je le fais un peu parce que j’en ressens le besoin, mais surtout parce que je suis retraité et qu’écrire est pour moi une façon agréable d'occuper mes journées et de garder mon cerveau occupé.

 

Une question que je me suis posée est jusqu’à quel point l’identité que j’avais au cours des premières années de ma vie existe encore aujourd’hui. Je me rends compte maintenant que même si bien des choses ont changé, même si plusieurs de mes opinions ne sont plus les mêmes et que je ne vois plus les choses de la même façon, je suis fondamentalement la même personne.

 

Tout comme notre langue maternelle, je crois que, pour le meilleur et pour le pire, ce que nous apprenons avec notre famille au cours de notre enfance ne nous quitte jamais et refait surface quand on s’y attend le moins. Parlant de langue maternelle, ça me fait penser à ces personnes âgées qui après avoir passé la plus grande partie de leur vie à parler une langue seconde qu’elles avaient apprise à l’âge adulte finissent par l’oublier et à ne se souvenir que de la première langue qu’elles avaient apprise.

 

La référence à la langue maternelle illustre bien cette idée de retour vers le passé, vers ce qu'on a connu et ce qu'on a appris pendant notre enfance. Je crois également que c’est un désir de revenir aux sources qui fait qu'avant de mourir, nous sentons le besoin de revoir les personnes avec qui nous avons vécu les premières années de notre vie pour leur parler et pour les entendre nous parler un peu de notre passé et de notre enfance.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=g2slOkLMHr4

 



23/03/2018
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