Les rêveries du retraité solitaire

Halcion et Astura sont ce que nous appelons des extra-terrestres. Ils viennent de revenir d’une mission de reconnaissance sur la planète terre. C’est leur superviseur, Hégémon, qui les a envoyés sur notre planète. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’est de se déplacer discrètement avec leur engin, aller dans deux endroits différents, et noter ce qu’ils allaient observer, sans intervenir et sans entrer en contact qui ou quoi que ce soit. Maintenant que leur mission est terminée, tous les trois sont dans une salle de réunion pour parler de ce qu'Halcion et Astura ont vu et entendu sur la terre.

Hégémon prend la parole :

-Alors, Halcion, raconte-nous un peu la première chose que tu as vue !

-J’étais dans un parc. Il y avait des fleurs et des arbres, des oiseaux qui chantaient, des papillons de toutes sortes de couleurs qui allaient d’une fleur à l’autre. Il y un ruisseau d'eau claire qui coulait entre les rochers au milieu du parc. Il faisait beau. Le ciel était bleu. Sur un banc, un jeune couple était assis. Près d’eux, dans un landau, il y avait leur bébé qui gazouillait.

-Et toi, Astura, c’est quoi la première chose que tu as vue ?

-Moi, j’étais quelque part au nord de la planète. Il faisait froid et il ventait. Le ciel était gris. Une pluie glacée tombait sur la forêt. Au loin, on entendait hurler les loups. Une famille de chevreuils courait dans un sentier. Il y avait le papa, la maman et trois jeunes faons dont un semblait plus frêle et fragile que les deux autres. Tout à coup, ce petit faon, moins vigoureux et rapide, s’est cassé une patte en courant. Les autres se sont retournés pour le regarder pendant quelques secondes et se sont remis à courir. Le jeune faon les a regardés s’éloigner. Il avait le regard effrayé et s’est mis à claquer des dents. Peu de temps après, les loups sont arrivés pour le dévorer alors qu’il était encore vivant.

-Et la deuxième chose que tu as vue, Halcion, c’était quoi ?

-J’étais dans un  jardin près d’un hôpital. Ça ressemblait beaucoup au jardin que j’avais vu la fois d’avant. Assis sur un banc, Il y avait un couple. Près d’eux, dans un fauteuil roulant, il y avait un enfant de sept ou huit ans, un garçon. Il n’avait pas de cheveux, son teint était très pâle et sa voix très faible. Je l’ai entendu dire à ses parents : « Je voulais juste sentir les fleurs, entendre chanter les oiseaux et voir le soleil briller dans le ciel bleu une dernière fois avant de mourir. »

-Et toi, Astura ?

-Moi, je me suis retrouvé sur un chemin de campagne, près d’une rivière. Je ne sais pas trop où j'étais, mais je crois que ça n’était pas très loin de l’endroit où j'ai atterri la première fois. C’était, comme disent les humains, entre chien et loup. Un petit chat noir courait comme s’il avait peur de se faire attraper. Il regardait partout autour de lui en miaulant. Tout à coup, j’ai vu une porte s’ouvrir et j'ai entendu quelqu’un l'appeler. « Viens mon petit chat ! Viens manger ! Ici, tu n’auras plus faim, tu n’auras plus froid, tu n’aurais plus peur, et tu ne seras plus jamais seul. »

Hégémon a remercié Halcion et Astura pour leur compte-rendu et a conclu en disant : « Ce que vous m’avez raconté ressemble beaucoup à ce que d’autres ont observé avant vous quand ils sont allés là-bas. Ça fait des années que nous observons les habitants de cette planète un peu bizarre où il se passe des choses sublimes et des choses horribles. C’est comme ça. Ce n’est pas à nous de juger. Nous nous contentons d’observer. »