Les rêveries du retraité solitaire

C’est ma tante Martha qui m’a raconté cette histoire il y a plusieurs années. J’ai déjà écrit un texte au sujet de mon arrière-grand-père Alphonse intitulé Les mystérieux dons d’Alphonse dans lequel je parlais des dons qu’il avait de chasser les rats et d’arrêter les saignements à distance. L’histoire que je vais vous raconter aujourd‘hui est arrivée à son frère Pierre. Alphonse et Pierre sont tous les deux nés à Percé : Alphonse en 1853 et Pierre en 1862. Leur père s’appelait Joseph Laterreur et leur mère Mary Dunn. Mon arrière-arrière-grand-père et mon arrière-arrière-grand-mère se sont mariés à Percé en 1847.

Comme l’ont fait plusieurs Canadiens français de l’époque, Pierre s’est exilé aux États-Unis. Il n’est pas allé travailler dans les usines de textile de la Nouvelle-Angleterre comme la plupart, mais comme le bel Alexis dans Les Belles Histoire des Pays d’en Haut, il a quitté sa famille et son pays pour aller vivre la grande aventure dans le Far West américain.

Ma tante Martha ne sait pas trop comment c’est arrivé, mais elle m’a raconté qu’au cours de son séjour dans l’Ouest, Pierre s’est fait tirer une balle dans la peau. On peut imaginer une rixe dans un saloon comme on en voit dans les western ou un face à face au milieu d’une rue déserte comme dans les films de Sergio Leone. Toujours est-il que Pierre a survécu et qu’il est revenu au Canada quelques années plus tard. En 1888, il a marié Élizabeth Leblanc à New-Richmond. Ils ont eu treize enfants : les registres contiennent les noms de dix et font mention de trois autres dont les noms sont inconnus.

À chaque année, le jour anniversaire de l’incident qui avait failli lui coûter la vie, Pierre portait la chemise trouée qu’il avait gardée en souvenir. Ma tante Martha m’a dit qu’elle avait vu de ses yeux son grand-oncle portant fièrement sa fameuse chemise.