Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Par la peau des fesses

Je n’ai jamais obtenu mon certificat d’études secondaires parce que je n’ai jamais rien compris aux sciences. Pour moi, les mathématiques, l’algèbre, la géométrie et la trigonométrie, c’étaient pire que du chinois. Je crois que j’aurais plus facilement pu apprendre le mandarin et le cantonnais et quelques autres dialectes. J’ai échoué lamentablement en chimie, en biologie et en mathématiques à la fin de mon cours secondaire au Collège Saint-Alexandre. Je n'ai pas obtenu mon diplôme parce que mon cerveau n’était pas assez polyvalent pour comprendre et assimiler l’ensemble du contenu du programme.

 

Si j’ai pu être accepté au cégep, c’est grâce au père Gay. Le père Guay était un Français qui nous enseignait la littérature. Il était connu dans les milieux littéraires et jouissait d’une certaine notoriété. Il a pris l’initiative d’écrire au directeur du cégep qu’il connaissait bien pour lui demander de m’accepter même si je n’avais pas les qualifications requises. Après le cégep, j’ai pu être admis à l’Université d’Ottawa et obtenir un diplôme en littérature française. Plus tard, j’ai poursuivi mes études en andragogie à l’université du Québec en Outaouais et j’ai obtenu un autre diplôme. Je suis conscient que mes choix étaient très limités et que n’aurais jamais pu m’inscrire à un programme dans lequel il y avait des sciences.

 

Je me demande ce que je serais devenu sans le père Guay. Je lui dois une fière chandelle. Grâce à lui, j’ai fait un travail intéressant qui m’a apporté beaucoup de bonheur et de satisfaction. J’ai été sauvé par la peau des fesses. Je ne sais pas, Martine, si l’expression « par la peau des fesses » a le même sens en France qu’ici, mais je crois qu’elle est utilisée dans un contexte un peu différent. Ici, ça veut dire de justesse.

 

Je ne sais pas jusqu’à quel point cette inaptitude à apprendre et à comprendre les sciences constitue pour moi un handicap. Je ne le saurai jamais parce que pour être en mesure d’apprécier ce qui me manque, il faudrait que je puisse comprendre ce que je n’ai jamais pu comprendre. Est-ce que je serais un être humain plus complet si mon cerveau était plus flexible et plus polyvalent ? Est-ce que je j’aurais un meilleur jugement et une meilleure compréhension du monde si je pouvais comprendre un peu mieux les sciences ? Je ne sais pas.

 

Pourquoi est-ce que j’écris ça maintenant et pour qui ? Pourquoi ? Parce que dans moins de dix ans, j’aurai quatre-vingt ans, et que je n’ai plus rien à gagner ou à perdre à me décrire tel que je suis. Je voulais aussi démontrer qu’il y a des cerveaux qui arrivent à fonctionner pour certaines choses mais pas pour d’autres. Je connais un gars qui n’arrive pas à écrire une phrase simple sans faire quatre ou cinq fautes de français mais qui est un génie en informatique.

 

Pour qui ? Pour les  cinq ou six personnes qui me lisent parce que, premièrement, si elles prennent le temps de lire ce que j'écris, c'est qu'elles doivent s'intéresser un peu à moi ; deuxièmement, je considère que quand on voit un peu comment fonctionne le cerveau d’un autre, ça nous aide à comprendre un peu mieux comment fonctionne le nôtre. Je voulais aussi écrire ce petit texte en hommage au père Gay qui m’a sauvé par la peau des fesses quand j'avais dix-huit ans et que j'étais à l'aube de ma vie adulte.

 

 

P.-S. : Ma soeur Michèle m'a envoyé ce lien qui contient de l'information au sujet du père Gay. Merci Mich !

 


https://arts.uottawa.ca/crccf/fonds/P20



18/02/2023
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