Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Les handicaps et les blessures de l’esprit et de l’âme

I saw a beggar leaning on his wooden crutch
He said to me, "you must not ask for so much"
And a pretty woman leaning in her darkened door
She cried to me, "hey, why not ask for more?"
[1]

 

 

Dans mon denier article, je vous ai parlé et vous ai montré la vidéo d’un jeune homme handicapé dont le visage est, selon moi, illuminé par l’esprit qui l’habite. Qu'est-ce qui fait la différence entre cet homme au corps brisé et au sourire lumineux et tant d'autres qui ne sont pas handicapés dans leur corps mais qui le sont dans leur esprit et dans leur âme ?

 

Je crois qu’il y a au départ la composante physique et matérielle du cerveau qui entre en ligne de compte. Il y a des cerveaux qui, parce qu’ils ont trop d’une substance ou pas assez  d’une autre, ne peuvent pas fonctionner normalement. Dans plusieurs cas, les médicaments peuvent aider.

 

Il y a aussi des cerveaux qui sont bien constitués mais à l’intérieur desquels les connexions ne se font pas de la bonne façon. Selon les conclusions d’études récentes réalisées par des scientifiques australiens, ce serait le cas des pédophiles. Les progrès de la science arriveront peut-être à rétablir les connexions.

 

Il y a aussi des esprits qui sont irrémédiablement endommagés par des traumatismes subis pendant l’enfance. Dans ces cas-là, les thérapies peuvent aider, sinon à guérir complètement, du moins à trouver la capacité d’être relativement équilibré et heureux.

 

L’éducation joue aussi un grand rôle. Une éducation soit trop laxiste ou trop axée sur la culpabilité et les punitions peut conduire à l’incapacité de trouver l'équilbre et le bonheur. Dans un cas, on attend que les autres nous apportent sur un plat d’argent tout ce dont nous en sommes venus à croire qu’il nous faut avoir pour être heureux ; dans l’autre, on se dit qu’on ne sera jamais assez bon et vertueux pour mériter d’être heureux.

 

La religion peut aider l’esprit ou l’âme à trouver l’équilibre et la sérénité à condition d’être enseignée de la bonne façon. L’Évangile de la prospérité proclamé par les télévangélistes américains qui demandent à leurs fidèles de leur donner de l’argent pour qu’ils puissent s’acheter un jet privé qui coûte plus de 50 millions de dollars n’est certes pas la meilleure façon de transmettre le message de Jésus. Ça sous-entend que Dieu ne peut nous rendre heureux qu’en nous donnant le confort et des biens matériels en abondance. Et que dire de tous ces gourous, leaders religieux ou politiques, qui kidnappent et asservissent les esprits et les âmes de leurs adeptes pour augmenter leur fortune et leur pouvoir ?

 

Et il ne faudrait pas oublier que la capacité d’être heureux est aussi liée à la nature de chacun individu. Il y a des humains qui naissent avec une capacité plus grande que les autres d’être heureux ; il y en a d’autres qui ont un tempérament plus pessimiste et qui ont plus de difficulté à être heureux. La nature ne distribue jamais ses bienfaits de façon juste et équitable.

 

Je me souviens d’une scène dont j’ai été témoin il y a une vingtaine d’années. Je sais que j’ai déjà parlé de ça dans un autre texte, mais j’ai le goût d’en reparler parce que ça cadre bien avec le sujet dont je parle aujourd’hui. Alors que Maria recevait des traitements de chimiothérapie pour un cancer du sein, elle avait été infectée par l’eau de la piscine publique. Son système immunitaire était très faible et le médecin lui dira plus tard qu’il ne savait pas si elle allait passer la nuit. Le lendemain, je suis allé à l’hôpital pour la voir. Je suis arrivé un peu avant les heures de visite et elle ne savait pas que j’étais là.

 

Maria avait perdu tous ses cheveux, ses cils et ses sourcils. Elle marchait lentement dans le long couloir de l’hôpital en poussant un poteau de soluté sur roulettes. Elle souriait et son visage était paisible et serein comme si elle marchait au milieu d’un champ de fleurs.

 

J’ai cherché à comprendre comment on pouvait en arriver là. Je crois que dans le cas de Maria, elle était au départ d’une nature optimiste. Il y a aussi l’éducation que lui a donnée sa mère. Elle lui a donné beaucoup d’amour mais elle lui a aussi inculqué le sens des responsabilités. Quand Maria a quitté le Vietnam à la recherche d’une vie meilleure, même si ça lui déchirait le cœur, sa mère n’a pas cherché à la retenir.  Elle l’a laissée partir vers son destin.

 

Maria ne se pose pas comme moi plein de questions, mais elle remercie Dieu tous les matins pour la vie. Elle est reconnaissante pour tout ce que la vie lui apporte, et elle met toujours tout son cœur dans tout ce qu’elle fait. C’est sa façon de vivre sa spiritualité.

 

Parlant de spiritualité, ça me fait penser à une autre chose dont j’ai déjà parlé dans un autre texte. Quand je suis arrivé chez les Alcoolique anonymes il y a un peu plus de trente ans, j’ai demandé à un bonhomme qui s’appelait Henri s’il voulait être mon parrain. Une des premières choses qu’il m’a dite est peu près ceci : « Ici, chez les Alcooliques anonymes, tu vas beaucoup entendre parler de spiritualité. Ça peut paraître compliqué mais pour moi, la spiritualité, c’est pas compliqué. La spiritualité, c’est juste de choisir ce qui est meilleur pour son esprit. » C’est ce que j’essaie de mettre en pratique tous les jours.

 

Pour moi, ce n’est pas toujours évident parce que je suis de tempérament un peu pessimiste mais j’ai fait du progrès.



[1] Extrait de la chanson Like a Bird on a Wire de Leonard Cohen :

 

https://www.youtube.com/watch?v=BqGArXHDOKY

 

 



09/11/2022
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