Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Une vision collective et individuelle des choses

Dans le Québec traditionnel que j’ai connu dans mon enfance, la dimension collective de la vie était très importante. Les manifestations de ce sentiment d’appartenance à une communauté étaient étroitement liées à la religion catholique. Les grandes fêtes religieuses rassemblaient tout le monde un même endroit et au même moment, mais il y avait aussi toutes sortes d’événements à caractère religieux auxquels nous participions sans nous poser de questions tout simplement parce que nous faisions partie de la même communauté. Je me souviens de la procession de la Fête-Dieu dans les rues de Jonquière et de la bénédiction des voitures à Chandler. À cette époque, tout était rythmé par le calendrier religieux et la religion : les saisons, les événements importants de la vie, ce qu’on appelle les rites de passage.

 

 

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Le Carillon Sacré-Coeur est le précurseur du drapeau québécois

 

 

Une dizaine d’années plus tard, pour plusieurs au Québec, le sentiment d’appartenance à un peuple avait remplacé l’expression collective de leur identité religieuse. La religion existait encore pour la grande majorité mais elle avait été reléguée à l’arrière-plan. Je me souviens de la Nuit de la poésie à Québec en 1970 au cours de laquelle on a célébré avec nos chansonniers et nos poètes notre culture et notre langue. Il y avait les rassemblements politiques et les discussions où l’on parlait beaucoup de souveraineté et d’indépendance. Je me souviens d’être allé à Québec en 1974 pour manifester en faveur de l’adoption du Bill 22 qui avait pour but de protéger et de promouvoir la langue française. À cela est venu se greffer toutes sortes d’idéologies populaires à l’époque inspirées du socialisme à la scandinave ou du marxisme.

 

Après ça, il n’y a plus eu cet élément rassembleur autour duquel on se regroupait et auquel on s’identifiait. Il y a eu bien sûr les mouvements écologiques et maintenant la lutte contre les changements climatiques, mais il faut avouer que sauf pour les militants les plus engagés, ça ne soulève pas la même adhésion, la même unanimité et la même ferveur dans l’ensemble de la population. Maintenant, avec internet et les réseaux sociaux, les gens peuvent se regrouper en mini-sociétés avec chacune sa propre idéologie et sa même vision de la réalité. Les plateformes sont conçues pour que les sources d’informations extérieures à la façon de voir et de penser d’un groupe soient systématismes exclues. Le résultat est qu’il ne peut plus exister d’identités collectives comme nous avons connues dans le passé. Et ça, à mon avis, c’est relativement nouveau dans l’histoire de l’humanité.

 

Traditionnellement, à toutes les époques et dans toutes les cultures, le destin des individus était lié à celui de leur collectivité. Dans l’Ancien testament, quand le chef ou le roi commettait une faute, c’était le peuple tout entier qui était puni. Quand l’empereur Constantin s’est converti au christianisme, tout l’Empire s’est converti avec lui…de gré ou de force ; et quand Henri VIII a quitté le catholicisme pour fonder la religion anglicane parce que le pape ne voulait pas lui accorder un divorce, la nouvelle religion est devenue la religion officielle d’Angleterre et le roi en était le chef.

 

Aujourd’hui, la reine Élizabeth, dont on vient de célébrer les soixante-dix années de règne, est à la tête de l’église anglicane (Defender of the Faith and Supreme Governor of the Church of England). Ce sentiment d’appartenance est peut-être ce qui explique qu’une institution comme la monarchie, qui n’a aucune raison d’être dans un pays démocratique et laïque, reste encore aussi populaire en Angleterre et dans plusieurs pays du Commonwealth. J’ai vu à la télévision que plusieurs Canadiens anglais s’étaient rendus à Londres et avaient campé dans des tentes autour du palais pour pouvoir participer à la fête.

 

Faut-il regretter cette époque où nous avions l’impression de faire partie d’un même groupe d’individus qui partageaient un même destin et les mêmes convictions ? Ça dépend. Pour moi, ça ne me dérange pas de faire partie d’une grande collectivité, d’être un sujet de Sa gracieuse Majesté et de vivre dans un pays dont les institutions et les traditions sont en grande partie basées sur une interprétation légaliste et politique du christianisme et sur le système parlementaire britannique - et à un niveau plus profond, d'appartenir à une langue et à une culture uniques en Amérique du Nord qui ont fait de moi ce que je suis - en autant qu’on me laisse vivre librement ma vie individuelle selon mes convictions et mes valeurs…avec la possibilité de changer ma façon de voir les choses et de penser si j’estime que c’est nécessaire. J'aime une identité collective discrète, qui ne fait pas trop de bruit et qui ne prend pas trop de place.

 

Ce que je déplore, c’est les identités et les appartenances à des groupes qui sont basées sur l’intolérance et le racisme, et des groupes comme QAnon dont les membres sont unis par un refus de la science, du gros bon sens et de la réalité. C'est nocif au niveau individuel parce que ça entre en conflit avec le jugement, la réflexion le discernement, et au niveau collectif parce que ça divise et empoisonne la société.



09/06/2022
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