Les rêveries du retraité solitaire

Quand j’étais enfant, les récits de la Bible que l'on nous racontait à l'école se confondaient avec les contes de fées que nous racontait ma tante Martha. Il y avait dans les deux cas des histoires fantastiques et extraordinaires qui se passaient à une époque très éloignée et dans des pays étrangers où les habitants étaient très différents de nous. Il y avait dans la Bible des géants et des hommes qui vivaient plusieurs centaines d’années. Moïse et les magiciens du pharaon avaient des bâtons qui pouvaient se changer en serpents. Étant donné que Moïse avait été choisi par Dieu pour libérer son peuple d’Égypte, son serpent a bouffé ceux des magiciens. Parlant de serpents, dans le premier livre de la Bible, c’est le diable qui prend la forme d’un serpent pour convaincre Ève avec de belles paroles de goûter au fruit défendu. Dans l’histoire du petit chaperon rouge, il y avait un loup qui pouvait parler. Il y avait aussi, dans un des livres de la Bible, l’âne du prophète Balaam qui parlait comme s’il était un humain comme vous et moi.

Mes histoires préférées de la Bible quand j’étais un petit garçon étaient David qui a tué le géant Goliath avec une fronde et Samson dont la force était liée à la longueur de ses cheveux. À la télévision, qui en était à ses débuts à la fin des années 1950, il y avait Popeye qui devenait invincible quand il mangeait des épinards. Dans la Bible, Il y avait aussi l’histoire de Jonas qui a passé trois jours dans le ventre d’une baleine et celle de Noé qui a construit une arche pour sauver quelques humains et des couples d’animaux du déluge qui me fascinaient.

Il y a beaucoup de rapprochements que l’on peut faire entre les récits de la Bible et les contes de fées : l’eau changée en vin et le carrosse de Cendrillon qui se transforme en citrouille, la mer Rouge qui se sépare pour laisser passer les hébreux et le petit Poucet avec ses bottes de sept lieues, Caïn jaloux de son frère Abel et la reine jalouse de Blanche Neige, etc.

Il se passe dans la Bible toutes sortes de choses extraordinaires et fantastiques comme des voix qui viennent du ciel, des hommes qui sont transportés instantanément au sommet d’une montagne, des malades et des infirmes qui sont miraculeusement guéris. Comme dans les contes de fées, les limites et les contraintes que nous avons dans nos vies quotidiennes n’existent plus.

Il y a aussi dans la Bible et dans les contes de fée des histoires de trahisons et de revanche, des bons et des méchants, de l’amour et de la haine, de la douceur et de la cruauté, et tout ce qui fait que les humains sont des humains dans ce qu’ils ont de meilleur et de pire.

Quand j’étais un enfant né au début des années 1950, ce qui me fascinait le plus des récits bibliques et des contes de fées, c’était tout ce qui sort de l’ordinaire. Je me demande si les jeunes qui sont nés cinquante ans plus tard, au début du siècle présent, avec les jeux vidéo et les films fantastiques avec toutes sortes d’effets spéciaux, connaissent ces histoires qui nous fascinaient autant lorsque nous étions enfants.