Les rêveries du retraité solitaire

Les rêveries du retraité solitaire

Deux visages différents de la mort

En revenant de faire du ski de fond dans le Parc de la Gatineau il y a quelques jours, j’écoutais à la radio de Radio-Canada une entrevue avec un homme qui racontait le décès de son père par suicide assisté. Étant donné que j’ai manqué le début de l’émission, je ne sais pas quel âge avait son père et de quelle maladie incurable il souffrait. Voici comment se sont déroulés ses derniers moments tels que rapportés par son fils. D’après ce que j’ai pu comprendre, ça s’est passé à la maison.

 

Tout le monde s’est réuni pour passer du temps ensemble. On a parlé de tout et de rien, on a ri et on a mangé, peut-être même regardé un match de hockey à la télé. On a porté un toast à la vie et à sa vie. La première injection qu’on lui a administrée l’a plongé dans un état de profonde relaxation mais ne lui a pas fait perdre conscience de la réalité. Il a souri à tout le monde à tour de rôle. Il a gardé son dernier sourire, le plus long et le plus tendre, pour sa conjointe, la mère de ses enfants et la grand-mère de ses petits-enfants. On a lui a administré la deuxième injection. Il est décédé avant même que le liquide ait fini de pénétrer dans son corps. La troisième injection était pour s’assurer que le cœur avait vraiment cessé de battre et qu’il n’y aurait pas de malencontreux retour à la vie. Il est mort paisiblement comme une bougie qui s’éteint au cœur de la nuit.

 

Au même moment, à quelques milliers de kilomètres de là, au Mexique, un autre homme était aussi en train de mourir. On lui avait arraché les yeux et la peau du visage. Il tournait convulsivement la tête de chaque côté pour que l’homme accroupi près de lui ne puisse pas lui trancher la gorge avec un couteau. Un autre homme lui a enfoncé un long bâton dans la bouche pour empêcher sa tête de bouger pendant que l’autre continuait à lui taillader la gorge. Le sang giclait et on entendait un horrible râlement sortir de sa gorge. L’homme au couteau a dit à l’autre en espagnol : « Il est en train de partir. » Il y avait dans sa voix comme un regret que ce soit déjà fini. Il aurait aimé prolonger le plaisir de faire souffrir.

 

La victime était un étudiant qui avait participé quelques jours plus tôt à une manifestation contre la corruption dans une ville du Mexique. La mairesse avait demandé aux trafiquants de drogue et à la police (à la solde des criminels) de s’occuper des étudiants. La victime s’appelait Julio Cesar Mandragon. Il avait 22 ans. Il était marié et avait un enfant de deux mois.[1] 

 

En plus de sa femme et de leur bébé, il avait des parents et des grands-parent, des frères et des sœurs.

Il n'a pas pu leur sourire avant de mourir.

 

 

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Tout le monde meurt, mais tout le monde ne meurt pas de la même façon

 

 

Ce que je décris dans cet article m'a profondément bouleversé. Quelques semaines plus tard, j'en ai écrit un autre dont le titre est "Équilibre et déséquilibre" pour tenter de retrouver l'espérance et pour continuer à vivre malgré tout. Voici le ien pour cet article : Équilibre et déséquilibre


[1] Dans cet article, si j’ai fait coïncider les deux événements, c'est pour mieux mettre en évidence le contraste. Je ne sais pas quand est décédé le vieux monsieur dans la première histoire, probablement au cours de l’année 2017 qui va bientôt se terminer. Pour ce qui est de la seconde histoire, c’est arrivé en septembre 2014 à Iguala, une ville du sud-ouest du Mexique, dans l'état de Guerrero. Six étudiants, dont Julio Cesar Mandragon, ont été assassinés quelques jours après la manifestation. Les cadavres de 43 autres étudiants ont été retrouvés plus tard dans une fosse commune. Dans le but d’intimider leurs concurrents et tous ceux qui voudraient s'opposer à eux, les trafiquants de drogue se livrent à une surenchère de l’horreur et de la cruauté. Pour décrire le supplice vécu par le jeune étudiant, je me suis inspiré de la description d’une vidéo mise en ligne par un cartel de la drogue dans laquelle un membre d’un cartel rival subit le même sort que lui. Ce genre d'horreur est devenu monnaie courante dans certaines régions du Mexique. Même si les deux événements n’ont pas eu lieu simultanément comme je l’ai laissé croire dans mon article, ils sont bien réels, et ne sont séparés dans le temps que par quelques années et dans l’espace que par quelques heures de vol.



21/12/2017
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