Les rêveries du retraité solitaire

J’ai appris les techniques de skating en ski de fond peu après qu’elles ont fait leur apparition au milieu des années 1980. Après ça, j’ai continué à skier de la même façon jusqu’à ce que, il y a quelques années, je tombe par hasard sur une vidéo en anglais qui explique comment la façon de patiner sur ses skis a évolué et changé au cours des vingt dernières années. Ces différences ont contribué à rendre les techniques de skating plus fluides et plus efficaces : le skieur ne tourne plus complètement le haut de son corps au-dessus du ski de glisse ; le mouvement des hanches est à peine perceptible ; les différentes phases des techniques sont moins marquées. La vidéo résume en trois mots cette nouvelle approche du skating : SKI WITH ABANDONMEDNT.

J’ai regardé plusieurs fois cette vidéo. Quand j’allais skier, j’avais en mémoire les images des skieurs d’élite que j’avais vues dans la vidéo et je me rappelais les détails techniques qu’il fallait que je modifie. Ça n’était pas pour moi  une obsession. C’était simplement des choses que j’avais en tête et un objectif que je m’étais fixé. Avec le temps, ma façon de skier s’est modifiée et j‘ai fini par comprendre ce que ça voulait dire de skier avec abandon. J’ai compris pourquoi on avait choisi ces trois mots pour décrire cette nouvelle façon de skier. Maintenant, quelques années après avoir vu pour la première fois cette vidéo et après avoir assimilé ces nouvelles techniques, je peux dire que je suis plus rapide sur mes skis et que j’ai encore plus de plaisir à skier.

Il y a des concepts comme celui-là qu’on arrive à comprendre assez bien de façon intellectuelle mais qu’on n’arrive à assimiler pleinement qu’après les avoir intégrés. Dans ce cas-ci, ce sont des choses théoriques dictées par l’esprit mais que l’on doit apprendre avec son corps. C’est mon corps qui m’a dit que j’étais parvenu à skier avec abandon. Je l’ai senti beaucoup plus dans mon corps que je ne l’ai découvert avec ma raison.

Dans le même ordre d’idée, je dirais que de la même façon qu’il y a des choses qui doivent passer par le corps pour qu’on arrive à les comprendre vraiment, il y en a d’autres que l’on ne peut vraiment intégrer qu’avec son âme. Nous pouvons être informés de ces choses et tenter de les conceptualiser en utilisant notre raison, mais nous ne pouvons vraiment les assimiler et les intégrer que si elles passent à un autre niveau.

Imaginez un alcoolique qui arrive à son premier meeting des Alcooliques Anonymes et à qui on dit qu’il devrait lâcher prise et s’abandonner s’il veut arrêter de boire et trouver la sérénité. Ce conseil peut lui paraître a priori un peu bizarre et sans lien avec sa situation, mais s’il persiste, il y a de bonnes chances qu’il finisse par entrer en contact avec une partie de son être qui si situe à un niveau différent de l’intelligence et de la volonté qui ne l'avaient pas aidé à cesser de boire.

L’abandon implique souvent la nécessité de laisser de côté certaines façons de faire et de voir les choses pour les remplacer par d’autres. Il faut aussi laisser le temps aux nouvelles choses de passer d'un niveau à l'autre. En général, ça ne se fait pas du jour au lendemain.